Si vous aimez ce site ne bloquez pas l'affichage des publicités... Merci !

La première
et la dernière fois

Hitler à Paris

Hitler, qui était accompagné de ses proches collaborateurs, d'une escorte armée et de deux de ses artistes préférés, l'architecte Albert Speer et le sculpteur Arno Breker, décida de bâcler en trois heures la réalisation de ce rêve, à la façon d'un vacancier qui visiterait une dizaine de villes en un temps record.

Hitler fasciné et muet devant le tombeau de Napoléon

Hitler au tombeau de Napoléon
Dans le vide de la capitale encore endormie, la cohorte motorisée aux fanions nazis s'achemina vers la seconde étape du rendez-vous d'Adolf Hitler avec Paris : là-bas, sur l'autre rive de la Seine, à l'endroit où le dôme d'or de Jules Hardouin-Mansart surgissait du ciel embrumé.
Le gravier des Invalides crissa sous les pas du nouveau conquérant de l'Europe.
En ce moment d'une matinée qui ne devait pas comporter d'équivalence se situa le tête-à-tête historique entre l'homme qui avait édifié le plus puissant empire d'Occident depuis Charlemagne et celui qui, cent vingt-cinq ans après, prétendait l'égaler et même le surpasser. Hitler parvint devant le tombeau de Napoléon.
Aux côtés du général Keitel et de Martin Bormann, de Speer, du général d'aviation Bodenschatz, du generalinspektor Giesler, de Speidel et de son médecin personnel Karl Brandt, il se pencha, fasciné et muet, au-dessus de la fosse où reposaient les cendres de l'Empereur solitaire.
En entrant, un aide de camp avait aidé Hitler à échanger sa longue capote de cuir contre un manteau de campagne blanc. Longtemps, sa casquette posée devant lui, Adolf Hitler resta pétrifié. Personne ne devait jamais connaître le secret de sa méditation. Un jour, devant le général Alfred Jodl, il devait avouer que ce moment avait été le plus grand et le plus beau de toute sa vie.
Pourtant ce fut à cet instant-là, au-dessus du sarcophage de porphyre roux gardé par les statues et les faisceaux d'étendards glorieux dans sa crypte circulaire, que germa et prit brusquement corps dans l'esprit de Hitler une idée, instantanément convertie en décision absolument inattendue, comme devait l'observer un témoin. Celle de rendre le fils à son père, séparés depuis cent ans en faisant revenir de Vienne les restes du duc de Reichstadt pour les placer aux côtés de ceux de Napoléon.

Hitler silencieux et soudain volubile

Hitler sur la Butte Montmartre
Aux yeux d'Adolf Hitler, cet acte historique allait sceller la solennelle réconciliation de l'Allemagne et du peuple français. Les vieux démons seraient exorcisés; une nouvelle ère s'ouvrirait...
Enfin, toujours aussi énigmatique et silencieux, Hitler s'arracha à sa rêverie conquérante : la confrontation d'un vivant triomphant et d'un vaincu immortel.
Le soleil de Paris ne parvenait qu'incomplètement à percer la chape de brume et de silence enveloppant la grande ville pareille à un corps inerte, chloroformé.
A plus rapide allure, le périple de Hitler se poursuivit par le quai d'Orsay et la Chambre des députés, le boulevard Saint-Germain et la remontée de la rue Bonaparte vers la place Saint-Sulpice, jusqu'au Luxembourg et au Panthéon.
Là, au sommet de la montagne Sainte-Geneviève, face à d'autres sépultures glorieuses que Paris avait érigées sur l'emplacement du tombeau de sa patronne séculaire, le Führer allemand montra qu'il restait sensible à la vénération des Français pour leurs génies immortels. Toutefois, la valeur proprement artistique de la monumentale nécropole ne lui inspira qu'une indifférence glacée que même Breker, son « cornac », ne parvint pas à dégeler.
Le conquérant de 1940 voulait tout voir, tout approcher, tout scruter, tout jauger, tout juger. Et il le fit.
Paris, déclara solennellement Hitler, est à coup sûr un modèle unique, qui occupe une place supérieure parmi toutes les grandes cités mondiales. Cette grandiose métropole de l'art m'a toujours fasciné. Et nous, Allemands, devront certainement en retirer de grandes leçons...
Les événements depuis 1918, expliqua-t-il, l'avaient toujours empêché de s'y rendre. Mais, aujourd'hui, la ville lui était ouverte et il était devenu primordial qu'il pût, sur les pas de ses armées victorieuses, se rendre compte de la structure de la ville et éprouver par lui-même la puissance de son rayonnement. Sa présence dans la capitale conquise n'avait pas d'autre signification.
Il avait voulu être partout. Il y fut. Il fit ralentir sa voiture devant le Palais de Justice. Il contempla la Sainte-Chapelle. Il entra à Notre-Dame. Par le pont d'Arcole, il aboutit à l'Hôtel de Ville et au musée Carnavalet. Il traversa la place des Vosges. Il devint volubile devant les multiples façades du Louvre et resta muet en longeant le jardin des Tuileries. Il s'arrêta au pied de la colonne Vendôme.

Jamais plus Hitler ne reverrait Paris

Départ de Paris de Hitler
Le colonel Speidel prit congé de son chef. Lui restait sur place. Simple officier d'état-major, il venait de connaître la victoire, la plus éclatante qu'il eût espérée pour son pays; un jour, aux côtés d'un maréchal légendaire nommé Erwin Rommel, il rencontrerait la défaite, la plus sombre et la plus considérable dont eût jamais hérité l'Allemagne.
Hitler quittait la capitale. Mais il laissait (à ses généraux de France) ses directives, dont la moins étonnante n'était pas l'ordre intimé aux armées d'occupation de gagner la confiance de la population française de telle sorte que lui, Adolf Hitler, pût dans un délai de quelques mois à dater de ce jour circuler librement à Paris comme à Berlin, pour interroger les marchands, les passants, le peuple, sans autre escorte qu'un interprète.
Moins d'une heure plus tard, un appareil allemand survolait Paris. C'était le Condor du capitaine Baur.
Une dernière fois, le gros quadrimoteur beige à croix gammée décrivit, à faible altitude, plusieurs cercles au-dessus de la ville, puis l'avion disparut, absorbé par la brume légère de la journée d'été.
Hitler était parti. Les portes de la ville, qui s'étaient ouvertes devant les armées triomphatrices du Reich, venaient de se refermer derrière leur chef. Jamais plus Adolf Hitler ne reviendrait à Paris.

La rêverie de Hitler

Hitler sur le Parvis du Sacré-Coeur
Dans cette grande fête solitaire du Führer de l'Allemagne à travers la métropole occupée, il y eut même un détour par les Halles. Mais le « ventre de Paris » n'offrit à Hitler et à sa suite que la vision d'un quartier privé de toute animation, preuve (nota scrupuleusement Arno Breker, transcrivant les paroles de son chef) que la ville s'était positivement dépeuplée.
A travers un parcours sinueux, la file de Mercedes noires parvint au nord de la capitale. Les hauteurs de Montmartre apparurent.
Après un dédale de voies escarpées, la masse blafarde du Sacré-Coeur se profila au-dessus d'Adolf Hitler.
La traversée de Paris par le maître du Ille Reich s'achevait là et l'apothéose de la matinée du 23 juin 1940 se situa à cet instant.
Il ne pouvait exister d'endroit plus favorable. Nul lieu n'eût été mieux élu, nulle situation plus privilégiée.
Paris se couchait tortueusement sous le regard de ses vainqueurs. Aucun bruit, aucun écho d'activité ou de mouvement n'en montait; tout y stagnait encore. Mais le rideau de brume qui avait jusqu'alors enseveli la ville commençait à se dissiper. Le ciel, peu à peu, se dégagea et, aux pieds de Hitler, la capitale de la France s'étendit dans toute sa force rayonnante.
Le plus illustre des Allemands restait perdu dans ses pensées. Le serment fait à lui-même — lorsque, couché sur un lit d'hôpital militaire, à demi aveugle et estropié, il s'était juré de ne connaître de repos qu'après avoir brisé les chaînes du traité de Versailles et redonné à l'Allemagne vaincue et anéantie une puissance nouvelle, libre et glorieuse — avait été tenu.
Cette puissance avait vaincu la France, l'Europe; un jour, elle dominerait le monde. Devant le panorama de Paris déployé sous la lumière d'été, il ne pouvait plus en douter.
Hitler remonta dans sa voiture. Huit heures s'égrenèrent. Paris s'éveillait. Le soleil s'éleva. Et peu d'instants suffirent pour que l'air se chargeât de chaleur.
Dans la moiteur d'une matinée de juin à son début, le 10eme jour de l'occupation de Paris s'entama; 1 522 autres allaient suivre.
Le silence de Paris, à cet instant, un silence de malédiction, de gouffre et de mort, c'était la fin d'un drame, le silence de la défaite et de l'écrasement d'un pays, d'un État, d'une nation. Aucun des témoins victorieux de ce dimanche d'été ne pouvait imaginer qu'il n'était rien d'autre (comme ils devaient l'apprendre par la suite) que le prélude à une tragédie nouvelle et contenait les germes d'une histoire non encore écrite, le chapitre d'une histoire à venir.
bas