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Le rendez-vous
avec la mort

Le procès Nuremberg

À une heure au matin du 16 octobre,
les condamnés sont exécutés dans le gymnase de la prison. Au soir du 16 octobre, les corps des onze digniaires du Troisième Reich sont incinérés dans un crématorium
de Munich, et leurs cendres réunies sont déversées dans un petit affluent de l'Isar.

Des mitrailleuses dans le palais

Gardiens des prisonniers au procès de Nuremberg
Les observateurs eurent tout loisir, pendant près d'un an, d'étudier leur comportement et de constater chez la plupart une indiscutable évolution psychologique. En dehors des audiences, d'une durée de cinq à six heures, les accusés se retrouvaient tout le reste du temps dans la prison de Nuremberg soumis à la surveillance vigilante du colonel Andrus, rongé par une double inquiétude : le suicide d'un des détenus ou une attaque à main armée contre la prison ou le tribunal. La surveillance ne se relâchait ni le jour ni la nuit. En permanence, une sentinelle observait par un judas le détenu dans sa cellule, où la lumière restait allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Des fouilles inopinées, minutieuses avaient pour but de détecter le moindre éclat de verre ou d'éventuelles ampoules de poison.
Au cours de février, une rumeur sema soudain l'inquiétude. On aurait découvert les plans d'une opération « Valentine » et saisi des explosifs destinés à un coup de main contre le tribunal. Andrus s'empressa de démentir ces « ragots » de journalistes.
Néanmoins, on vit apparaître dans les couloirs du palais de justice des nids de mitrailleuse protégés par des sacs de sable !

En attendant le rendez-vous avec la mort

Condamnés au régime cellulaire, les accusés ne pouvaient communiquer entre eux, même au moment de la promenade par groupes de deux ou trois, revêtus du treillis de l'armée américaine. A l'audience, seuls Goering, Jodl et Keitel étaient en uniforme, les autres portaient des complets civils. Tous les matins, un coiffeur allemand les rasait avec un rasoir mécanique. Dans l'ensemble, les accusés se comportèrent avec dignité et firent preuve de force de caractère.
Goering se détachait indiscutablement du lot. Il trouvait là l'occasion de donner sa représentation d'adieu. Un foulard rouge à pois jaunes autour du cou, il s'affalait sur le banc ou se penchait vers son voisin. Parfois, il se frappait la poitrine, riait aux éclats ou bâillait ostensiblement.
Il fit constamment preuve de cynisme et il ne cacha pas sa satisfaction d'être considéré comme le principal responsable de l'Allemagne hitlérienne. Tout au long du procès, il s'efforça de s'imposer au tribunal.
Les autres paraissaient beaucoup plus éteints. En principe, Hess souffrait d'amnésie et se désintéressait des débats, perpétuellement plongé dans un livre. Ribbentrop, pâle, les yeux mi-clos, arborait un masque de sphinx. Le procès devait révéler un personnage falot, inconsistant, instrument entre les mains de Hitler.
Au cours de la détention, des coteries s'étaient formées. Les amiraux, Dônitz et Raeder, faisaient bande à part. Jodl et Keitel également. Neurath, Papen, le Dr. Schacht et Speer se détachaient également, convaincus de la supériorité de leur intelligence ou de leur éducation. Pour Schacht, les accusations qui pesaient contre lui n'étaient qu'une farce.
Baldur von Schirach conservait, derrière ses verres fumés, sa beauté de « dieu déchu de l'Olympe ». Son visage reflétait « la hantise d'un prochain rendez-vous avec la mort ».
Fritsche, Funk, faisaient figure de coupables. Enfin; il y avait le lot des brutes, des hommes de main, de ceux qui n'avaient rien à attendre de l'indulgence du tribunal. Streicher, Kaltenbrunner, Frank, Sauckel, Rosenberg, Seyss-Inquart, savaient ce qui les attendait et ne cachaient pas leur hargne à l'égard de ceux qui, comme Speer ou Schirach, admettaient une part de responsabilité.
Les 26 et 27 juillet 1946, eurent lieu les réquisitoires. Le 30 septembre et le 1er octobre, le tribunal rendit son verdict. Trois acquittements, sept condamnations à des peines de prison. Onze condamnations à la peine capitale, Tod durch den strang, mort par pendaison. C'était le sort réservé à Giiring, Ribbentrop, Keitel, Jodl, Kaltenbrunner, Rosenberg, Sauckel, Streicher, Frank, Frick, Seyss-Inquart.
Tous acceptèrent la sentence avec dignité. Ils ne s'insurgèrent que contre la pendaison, considérée comme infamante. Jodl exprima le sentiment général : « La mort par pendaison, cela, du moins, je ne le méritais pas. La mort, très bien, il faut que quelqu'un porte la responsabilité. Mais ça... je ne l'ai pas mérité. » L'exécution fut fixée à la nuit du 15 au 16 octobre, dans le gymnase. Une équipe de techniciens, venue spécialement des États-Unis, avait procédé aux derniers préparatifs. Douze projecteurs éclairaient trois sinistres échafauds tendus de noir, surmontés de trois énormes potences. Les fenêtres avaient été masquées avec du papier noir.

Exécution des criminels nazis

Exécution d'Alfred Rosenberg après le procès de Nuremberg
Les trois potences sont peintes en vert. ... Pour y accéder, il faut gravir treize marches. Sur deux des potences,la troisième n'est qu'une potence de « remplacement », pendent les cordes que le bourreau, le sergent John C. Woods, va passer au cou des condamnés, dont la tête aura été recouverte d'une cagoule noire, et qui seront placés sur une trappe dont l'ouverture les fera chuter de la hauteur d'un étage.
Nuremberg, 16 octobre 1946, soixante-dix minutes après minuit. Au pied des marches, quatre généraux représentant les armées victorieuses, huit journalistes, deux Allemands, le Premier ministre de Bavière et le procureur général de Nuremberg, convoqués comme « témoins », des officiers et quelques soldats de garde. Quarante-cinq personnes au total.
Ribbentrop sera pendu le premier. L'ancien ministre des Affaires étrangères du Ille Reich va difficilement prononcer son nom (tous les condamnés avaient reçu ordre de s'identifier avant la pen-daison) puis il dit quelques paroles, avant d'être remis au bourreau. Sa mort sera officiellement constatée à 1 h 32.
A 1 h 20, Ribbentrop est suivi sur l'échafaud par le feldmarschall Keitel, commandant en chef; par Ernst Kaltenbrunner, ancien chef de la Gestapo ; par Alfred Rosenberg, l'idéologue du parti nazi, et, en tant que ministre des Territoires occupés à l'Est, le responsable d'assassinats de masse.
Il est 2 heures du matin, John C. Woods, qui s'est servi alternativement de l'une et de l'autre des potences, passe la corde au cou de Hans Frank, ancien gouverneur de Pologne, puis de Wilhem Frick, ancien « protecteur » de Bohême-Moravie, qu'il faut soutenir pour l'ascension des treize marches.
C'est maintenant au tour de Julius Streicher, éditeur du journal antisémite Der Stümer, qui, après avoir crié « heil Hitler », « Joli Yom Kippour et maintenant en route vers Dieu », puis après un bref silence: « Les Bolcheviques vous pendront tous. ».
Au tour de Sauckel, l'organisateur des rafles de main d'oeuvre et, en France, du Service du travail obligatoire (STO) ; du général Alfred Jodl. Enfin, il est 3h45, au tour de Arthur Seyss-Inquart, ancien commissaire du Reich aux Pays-Bas.
Les dix pendaisons achevées, les corps sont alignés au pied de la potence, la cagoule n'a pas été retirée de leur tête mais ils ont le torse nu pour permettre aux médecins alliés de « constater » devant les journalistes la mort.

Le suicide de Goering

Le suicide de Goering au procès de Nuremberg
Une quarantaine de personnes devaient assister aux exécutions, dont huit journalistes tirés au sort. Ceux-ci avaient été convoqués le 15 octobre, à 20 heures, par le colonel Andrus, qui se livra à d'abondantes explications. Les journalistes furent autorisés à contempler les détenus, qui s'apprêtaient à passer une nuit semblable à toutes les autres.
D'après Sacha Simon, « Keitel se brossait les dents ; Ribbentrop priait, à genoux au côté du franciscain qui allait l'assister sur l'échafaud ; Sauckel, petit et laid, pantalon bas, bretelles pendantes, tournait comme un fauve dans sa cage ; Streicher écrivait ; Jodl lisait, la tête entre ses mains ; Gôring dormait ou feignait de dormir »...
Le colonel Andrus ne cacha pas sa satisfaction et Sacha Simon put écrire : « Les pendaisons de tout à l'heure ont été préparées avec un soin particulier qui élimine toute surprise. » A ce moment précis, un brouhaha se fit entendre dans les couloirs et une nouvelle stupéfiante se répandit en un éclair : Goering venait de se suicider ! A 23 h 45, la sentinelle qui veillait sur l'ancien maréchal du Reich avait remarqué des gémissements, des râles, des gestes convulsifs. Elle alerta immédiatement le colonel Andrus, le médecin de la prison, l'aumônier. Tous ne purent que constater le décès. Goering s'était empoisonné. On trouva des éclats de verre dans sa bouche et, au pied du lit, une douille métallique qui avait contenu l'ampoule.
Une incroyable agitation régna alors dans la prison. Le colonel Andrus, pâle et défait, ne pouvait que murmurer : « Désolé ! » C'était l'échec de sa vie et sa carrière devait s'en trouver irrémédiablement compromise. Les journalistes le harcelaient de questions. Les Soviétiques surtout ne pouvaient contenir leur rage : « Dites à cet officier américain que jamais un pareil scandale ne se serait produit en U.R.S.S. ! »
On n'a jamais pu savoir comment Goering s'était procuré le poison malgré des fouilles répétées. Ampoule dissimulée dans le creux d'une blessure de guerre ? Complicité d'une sentinelle, ou même de sa femme qui lui aurait donné l'ampoule au cours de l'ultime baiser d'adieu ?... On ne sait. .
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