Premières exécutions et attentats à Alger
yacef saadi
Le 19 juin, dans l'après-midi, deux condamnés à mort sont exécutés dans la cour de la prison de Barberousse, qui domine la ville arabe. Ce ne sont pas des rebelles pris les armes à la main au cours d'un combat, mais des terroristes. L'un a participé au meurtre d'un garde, dans une petite maison forestière en Oranie. La femme et la fille de la victime ont assisté au drame, bâillonnées et attachées sur leur chaise.
L'autre appartenait au commando rebelle qui avait, quatre mois auparavant, monté une embuscade contre un car et deux autos particulières. Sept adultes, dont une femme, et une petite fille de sept ans avaient été abattus. Un autre enfant survécut, mais on dut lui couper une jambe.
En réplique évidente à l'exécution de ces deux condamnés, Abane Ramdane et Ouamrane donnent à Yacef et à ses troupes l'ordre d'agir sans délai. Le raid terroriste se déclenche à 18 h 30, le 20 juin 1956.
Marcel Garbagnati attendait patiemment assis sur sa Vespa devant l'entrée de la clinique de Verdun à deux pas de la prison de Barberousse. Son ami Antoine Montaner était venu voir son père, opéré de la veille, et avait demandé à Marcel de l'accompagner. Les deux jeunes gens étaient inséparables. Marcel prit appui du pied gauche sur le démarreur. En courant, un jeune homme s'approcha des deux garçons et vida sur eux le chargeur de son 11,43. Marcel Garbagnati, vingt ans, s'écroula sans un cri. Il avait un gros trou sous le sein gauche. Son ami Antoine avait une cuisse transpercée et geignait sur le trottoir lorsque les secours arrivèrent. Le terroriste s'était enfui par les escaliers du boulevard de Verdun. Marcel et Antoine étaient les deux premières victimes innocentes des représailles ordonnées par le F.L.N. On retrouva près de leurs corps une feuille de cahier sur laquelle étaient tracés ces mots : Zabana-Ferradj, vous êtes vengés.
On devait retrouver ces mêmes mots sur les corps des 49 victimes, tuées ou blessées au cours des soixante-douze attentats qui pendant trois jours plongèrent Alger dans la terreur.
Un coup de feu éclate au marché de la Lyre, en bordure de la Casbah. Un homme tombe, dans sa boutique. C'est un commerçant juif. Dans les minutes qui suivent, des coups de feu en série claquent dans Bab-el-Oued. Deux commandos opèrent. L'un d'eux tire par la baie largement ouverte d'un café. Les consommateurs se jettent par terre. Un photographe du Journal d'Alger, Gaston Tolila, blessé par une première rafale, tente de s'enfuir. Il est rattrapé dans la rue et achevé d'une balle dans la tête. Un autre café est rafalé dans des conditions analogues, en contrebas du cimetière musulman d'El-Khettar. Dans tous les autres quartiers populeux de la ville, des hommes tirent et d'autres tombent. Au Clos ­Salembier, deux agents de police, MM. Vigneau et Honoré, sont grièvement blessés.
Les patrouilles de l'armée, mises en place et renforcées considérablement depuis quelques jours, arrivent à arrêter un des terroristes. Il a vingt-neuf ans, a déjà été condamné pour de petits trafics et a participé à l'assassinat d'un policier. Il raconte qu'on l'a armé juste avant l'attentat. Que le choix des cafés de Bab-el­Oued n'a pas été guidé par la personnalité des habitués, mais par le fait que ces deux objectifs permettaient une fuite commode, après avoir frappé, en quartier européen.
 Il n'y a aucun doute : les attentats du 20 juin inaugurent une nouvelle phase de la rébellion, qui se réfugie dans la tuerie sans discernement. Dans le tract lancé aux alentours des quartiers visés, et qui circulera aussi dans la Casbah, le F.L.N. crie vengeance pour Ferradj et Zabane et annonce que, dorénavant, les civils français seront attaqués par les groupes armés rebelles, dans les villes comme dans les campagnes.
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