Quelle déception lorsque le facteur allait d’un pas rapide et sans déposer un message !
Quand se prolongeait le silence, les cœurs
étaient torturés d’angoisse. Etait-il blessé ?
prisonnier ? On espérait contre toute espérance.
Et lorsque la nouvelle officielle de la mort arrivait,
la mère était frappée au cœur. Combien de papas,
combien de mamans ont été atteints mortellement
par la balle qui tua leur fils ?
Notre pauvre ami le Meussien fut parmi les morts, et je tremblais à l’avance en pensant que peut-être nous passerions de nouveau par le village où
habitait sa mère. Ce fut, hélas ! ce qui arriva. A la relève nous montâmes dans les
camions et partîmes dans la direction de Bar-le-Duc. Je me trouvais en queue du convoi,
dans la dernière voiture, assis au bord, D… près de moi. Avant d’arriver au hameau où
habitaient les parents de notre pauvre ami le Meussien, je me penchai pour donner un
coup d’œil en avant. Je vis sa mère, seule sur le bord de la route, inondée de soleil.
Elle agitait le bras vers chaque voiture qui passait devant elle.
- Tournons nos figures vers l’avant, dis-je à D… Sa mère est sur la route, en face de
sa porte !...
Quand nous nous crûmes assez éloignés pour qu’elle ne pût nous reconnaître,
nous regardâmes dans sa direction.
- Vois, dis-je à D… Elle tient un litre de vin dans sa main… pauvre femme !
Elle restait là, plantée, immobile sur le bord de la route, nous regardant nous éloigner,
puis tournant la tête en direction de Verdun. Elle semblait ne pouvoir se résoudre à croire
que le régiment où était son fils était déjà passé en entier devant elle sans que son fils se
fût montré. Elle fit demi-tour enfin et rentra chez elle, tête basse, en portant toute sa peine
sur son dos appesanti.
Lettre d’un poilu du 125 R.I.