Tu ne peux croire le plaisir que cela fait quand on reçoit un colis, on est comme de grands enfants
ici. Un rien te contente comme un rien t’attristes. Tu vois
tous ces pères de famille, au courrier, l’œil et l’oreille aux
aguets, épier et attendre, s’il y a une lettre ou un colis pour
eux.
Quand ils n’en ont pas, quelle déception. Quand ils
ont une lettre, ils ont le sourire, vivement ils décachettent,
avidement la parcourent pendant que d’un revers de main,
ils écrasent la larme qui était au coin de l’œil.
Ton ami dévoué.
Lettre d’un poilu le 28 novembre 1914.
La lecture du courrier se vit de façon intime intérieure. En revanche, il est d’usage qu’à la réception
d’un colis (et ils sont nombreux), le soldat partage avec
ses camarades chocolat, confitures et autres cochonnailles.
Au petit matin, nous sommes descendus dans une gare proche de la frontière allemande. Le
long du chemin : traces de combats, champs piétinés ;
dans ce chaos désertique, toutes sortes de matériel de
combat, des hommes enterrant les derniers morts, et
dans l’air, cette odeur pénétrante du champ de bataille.
Nous avons fouillé quelques sacs, dans chacun d’eux,
il y avait des lettres et des cartes, en français et en
allemand, adressées aux êtres chers de l’arrière ; elles
se terminaient par l’espoir de les revoir sains et saufs.
Tout ça a jeté un froid : ceux qui les avaient écrites étaient morts.