Témoin et conséquence de la dépendance sexuelle des bonnes, l'importance du nombre de leurs enfants naturels : encore l'abandon, l'avortement, l'infanticide sont-ils fréquents. Dans les maternités créées après 1850 pour recevoir les filles enceintes, la moitié au moins des reçues sont des domestiques. Quant à l'infanticide, fléau de la fin du siècle, on le voit augmenter considérablement à partir de 1862, date de la suppression des tours, sorte de guichets qui permettaient d'abandonner un enfant à l'hospice de façon anonyme.
Par réaction, et aussi par la force des choses, les domestiques ont, ou sont réputés avoir des moeurs assez libres. L'oisiveté dans certaines grandes maisons, la promiscuité des sixièmes, les traditions de la campagne (d'où sont issues les bonnes, en majorité) les favorisent. Le contraste est frappant (et mis en relief) avec l'apparente austérité de la bourgeoisie et de la noblesse provinciale. Apparente seulement : le « forçage » des jeunes bonnes est « presque une tradition dans certains milieux de province ». La dépendance sexuelle de la domestique semble s'accroître au cours du siècle. La bonne est ainsi soumise aux désirs de son patron, ou du fils de la maison (parfois sur l'instigation de la mère, qui choisit ainsi l'« initiatrice »). Une grossesse, vite survenue quand les méthodes contraceptives sont rudimentaires, provoque en général le renvoi, la misère, l'avortement ou l'infanticide, le suicide parfois, souvent la prostitution. Vers 1900, la moitié des prostituées sont d'anciennes servantes.
Cette pénible condition matérielle se double d'une situation psychologique particulièrement difficile à vivre. La suspicion pèse à tout instant sur les domestiques. La crainte, la méfiance qu'éprouvent les maîtres s'accompagnent d'un mépris profond. Les serviteurs sont considérés comme des inférieurs, des sous-hommes. Ils sont porteurs de tous les vices, capables de tous les excès. On ne leur épargne ni les mauvais traitements, ni la tyrannie. Indispensables, ils n'en sont pas moins gênants. Tout l'effort du XIXe siècle tend donc à les occulter : ils sont dépersonnalisés par la confiscation fréquente de leur prénom, écartés le plus possible des lieux de vie, niés en tant qu'individus, privés de tout droit à la sensibilité et à une vie personnelle. Le domestique connaît, à l'intérieur même de la famille où il vit, la plus terrible des solitudes, dans une situation de dépendance totale. Il en résulte des anxiétés, des tensions, des difficultés d'adaptation génératrices de troubles mentaux (la « névrose des domestiques ») pouvant mener au suicide.