Quant aux causes réelles de l'incendie, elles peuvent être diverses. Et résulter de la conjonction de plusieurs phénomènes. L'hypothèse la plus probable est que le feu soit parti d'une de ces boutiques qui entourent le Grand Cirque et qui proposent au public : saucisses, poissons grillés, légumes secs en cornets, brochettes de viande... ll a pu être renforcé par l'action de marchands de biens désireux de faire place nette pour lancer de nouvelles opérations juteuses d'urbanisme. Et des opposants au régime, les partisans de Britannicus et d'Octavie qui veulent venger leur mort, ont pu être tentés par des actes de terrorisme et profiter de la situation de crise créée par l'incendie.
Comme on le constate, ce n'est certainement pas Néron qui a mis le feu à Rome.

On procéda à une rafle dans les milieux judéo-chrétiens. De la répression qui s'ensuivit,Tacite a laissé une description hallucinante : crucifixions, torches vivantes, chiens féroces... Lui qui haïssait les chrétiens mais les lavait du grief d'incendie, nota que les spectateurs de ces jeux improvisés, offerts par le prince, se prenaient de pitié pour ces gens «qui périssaient pour satisfaire à la cruauté d'un seul ». Voilà qui aggravait d'une touche de sadisme le portrait déjà chargé qu'il laisserait de Néron à ses lecteurs...

Dès qu'il apprend la nouvelle de l'incendie. l'empereur qui se repose au bord de la mer à Antium, se rend à Rome à bride abattue et monte sur l'Esquilin qui domine la ville. De là, il peut avoir une claire vision du désastre qui s'annonce. Et mieux coordonner les secours.
Très vite la rumeur se répand (Tacite. Suétone, Dion Cassius et même Pline l'Ancien affirment que c'est pure vérité) que l'empereur est l'incendiaire et qu'il a chanté la ruine de Rome, du haut de la tour de Mécène, habillé en citharède avec une lyre.
Pourquoi donc demandent ses détracteurs et, très rapidement, tout Rome : parce qu'il est un criminel et parce qu'il veut rénover la vieille ville de Rome pour en faire une cité plus moderne.
Que Néron soit un sinistre assassin, rien n'est plus vrai Depuis qu'il est sur le trône, il u, successivement, tué son demi-frère Britannicus, son épouse Octavie, sa mère Agrippine, Pallas, l'amant de sa mère et ancien principal ministre de l'empereur Claude...
Mais qu'il ait fait allumer l'incendie, la chose parait douteuse. Le voilà à présent privé de palais et de toutes ses collections de peintures et de sculptures qu'il aimait tant. Bien plus, les quartiers qu'il aurait, sans doute, souhaité raser, immondes pustules urbaines, le Suburre et Ie Transtiberim ont été épargnés par les flammes. Désormais, plus aucune véritable opération de rénovation immobilière n'est possible. Enfin, ne l'a-t-on pas vu pendant plusieurs jours avec les vigiles et l'armée, au premier rang. pour tenter de circonscrire l'incendie. Pourtant la rumeur enfle : le préfet Tigellin l'en avertit. Il faut agir et trouver des coupables si l'on veut éviter un soulèvement populaire. Ne peut-on songer aux chrétiens ?

Dans le quartier qui touche le Palatin et le Caelius, là où s'élève aujourd'hui le Colisée, le feu a pris dans les magasins où l'on stocke des matières inflammable& A Rome, les incendies sont alors choses courantes, et certains forts sérieux, comme celui qui trente-sept ans plus tôt, sous Tibère, a ravagé le même secteur. Mais en ce 18 juillet 64, on sort du fait divers. La sécheresse, un fort vent ont attisé le feu auquel rien ne fait barrage. Aussi se propage-t-il tant dans les beaux quartiers que dans le labyrinthe des ruelles bordées de maisons disparates, dont certaines — les insulae — sont fort hautes et vulnérables, le bois dominant la pierre.
Cela va durer neuf jours, jusqu'au 27. Sur les quatorze « arrondissements » que compte la ville, quatre seulement n'ont pas souffert, sept sont sinistrés, et des trois autres, il ne reste rien. Si l'on en croit Tacite, qui rapporte les faits un demi-siècle après, le nombre de morts est considérable, et plus encore celui des gens qui se retrouvent sans gîte.