Mao Zedong. Des caprices d'enfant gâté
Le 26 décembre 1893 naît dans la famille Mao, à Shaoshan (province du Hunan), un bébé
joufflu que sa mère baptise Zedong, «celui
qui brille sur l'Est»: bouddhiste dévote, cette
femme douce espère que ce prénom le promettra
à de hautes destinées ! Suivant la tradition,
elle tempère ce choix par un second prénom
«officieux», supposé conjurer le mauvais sort et inciter
l'enfant à la modestie: ce sera Shi san ya-zi, soit "le
garçon de pierre".
Ses ancêtres, paysans prospères,
vivent depuis plus de 500 ans dans cette vallée paisible.
Le petit Mao est un enfant-roi, dont les caprices sont
des ordres. Son père, Yi-chang, est devenu l'un des
hommes les plus riches du village grâce à son succès
dans l'élevage porcin et la riziculture. Néanmoins, il
met un point d'honneur à vivre chichement et à valoriser le labeur physique : deux idées
récupérées et portées aux nues, des
années plus tard, par le Grand Timonier... alors qu'il s'y est dérobé toute sa
jeunesse.
Jusqu'à 8 ans, Zedong vit dans
la famille de sa mère, qui l'adore. C'est
une période insouciante dont il se souviendra avec bonheur: dans la journée,
il promène les buffles tandis qu'il
apprend à lire, le soir, à la lueur d'une
lampe à huile. Très vite, il devient un
lecteur passionné mais, une fois scolarisé, l'enfant refuse d'obéir à ses professeurs et tyrannise ses camarades.
En grandissant, il se rebelle très violemment contre son père, qui voudrait
faire de lui un comptable : Zedong
déteste les chiffres et méconnaît l'économie ( un défaut qui marquera sa
politique de manière funeste, causant
entre 15 et 30 millions de morts pendant
le «Grand Bond en avant. )
Chez lui, il refuse de participer aux
tâches domestiques et insulte son géniteur,
qui le frappe quand il peut, mais
ne parvient pas à se faire respecter
pour autant. En 1968, pendant une
séance de torture sur des opposants à
son régime, Mao déclarera : "Dommage
que mon père soit déjà mort, il aurait fallu lui faire subir la même chose."
En 1907, Yi-chang, exaspéré par la
paresse de son fils cesse de lui payer
ses études et l'oblige à être paysan. Au bout d'un an,
le jeune homme trouve une échappatoire : il accepte
de se marier selon la volonté de son père si celui-ci
recommence à le financer. Son épouse meurt moins
de deux ans après, mais il garde de ce mariage arrangé
une rancoeur terrible; il écrira: " " En Chine, les commandements
des parents sont incompatibles avec la volonté
des enfants. [ ... ] C'est une espèce de viol indirect. "
A 16 ans, Zedong exige de quitter son village et d'être
inscrit dans une école de Changsha, capitale de la province, que sa famille lui paye en se cotisant. Il apprend
l'anglais et découvre les vies de Napoléon, Wellington
ou Pierre le Grand.
Au printemps 1911, la révolution
républicaine s'apprête à briser plus de 2000 ans de
pouvoir impérial. Mao choisit son camp. Il trouve dans
l'armée révolutionnaire l'exaltation du commandement
et la volonté de détruire un passé qu'il méprise.