Les DOP et corvées de bois
rideau
trinquier

Le C.C.I. (Centre de coordination interarmées) qui coiffait à Alger tous les centres de renseignements, d'interrogatoires des parachutistes, ainsi que le dispositif de protection urbaine du colonel Trinquier, se transforma au mois de juillet en D.O.P. (dispositif opérationnel de protection) dont bientôt les antennes se multiplièrent sur toute l'Algérie. Les D.O.P..., pas un des trois millions trois cent mille garçons qui passèrent en Algérie n'a oublié ce nom. Ni les hommes qui les firent fonctionner ! La torture jusque-là localisée aux centres d'interrogatoire, aux centres de tri, se généralisait.
Avant même que ces D.O.P. acquièrent leur triste réputation au cours des années 1958-1959, les exemples locaux ne manquent pas au rapport de M. Delavignette. Corvées de bois innombrables et prisonniers abattus au cours de tentatives de fuite, suspects enfermés dans des cuves à vin désaffectées qui meurent étouffés. La cuve à vin, que l'on trouve dans toutes les fermes, dans toutes les propriétés en Algérie, devenait une prison commode pour les suspects ramassés en cours d'opération. Ni hygiène ni aération. De quoi les mettre en condition avant l'interrogatoire. A Aïn-Isser, près de Tlemcen, on sort dix-sept cadavres de ces trous puants. A Mercier­Lacombe, près de Mascara, même scène, vingt-trois cadavres. Bavures. Ça, c'est le rapport Delavignette. Il y a des noms, des sanctions.

Mais sur tout le territoire des opérations les interrogatoires, les corvées de bois se multipliaient. Et là il ne s'agissait plus des parachutistes, à mauvaise réputation depuis la bataille d'Alger, c'était le contingent et de très jeunes officiers qui se salissaient les mains. Les méthodes employées par le F.L.N. n'étaient pas faites pour incliner à la clémence ! Le garde champêtre trouvé égorgé, le copain mutilé, le ventre bourré de paille ou de cailloux, le sexe dans la bouche n'étaient pas des spectacles qui portaient à l'indulgence. C'était l'engrenage. Et qui payait ? La population. C'est ce que recherchait le F.L.N. Pouvait-on rêver meilleur agent recruteur ? En plus, cela fournissait des exemples pour l'action à l'O.N.U. !
La mission confiée aux officiers S.A.S. — les bonnes à tout faire de l'armée — comportait aussi le renseignement, c'était même une de leurs tâches principales. Mais que pouvait penser la population  regroupée ou non qui voyait son bienfaiteur, alimenter par ses renseignements le centre d'interrogatoire ? Ça ne se passait pas toujours comme ça. Souvent, simplement.
Le pourrissement gagnait l'Algérie où personne n'avait plus confiance en personne. Où les militaires se défiaient des civils. Où, en ville, un chef d'îlot jouait les indicateurs. Où, dans le bled, un modeste sergent-chef avait souvent droit de vie et de mort sur de simples suspects.
Qu'on ne parle pas d'ignorance. Le plan de pacification avait été approuvé par le gouvernement. Et ni le président du Conseil, Bourgès-Maunoury, ni le ministre résidant, Robert Lacoste ne pouvaient ignorer la terreur qu'il faisait souvent régner. Le rapport qu'adressa M. Delavignette, que l'on ne pouvait traiter de bradeur, était un véritable réquisitoire.
Le contre-terrorisme, écrivait l'ancien gouverneur général, s'infiltre dans l'armée et l'administration. Sous prétexte d'efficacité, il affiche dans ses actes le mépris de la vie humaine... Les personnels militaires et civils qui se laissent happer par l'engrenage du contre-terrorisme reviendront un jour dans la métropole. Croit-on qu'elle les délivrera de l'automatisme qu'ils auront contracté en Algérie et qu'ils retrouveront les principes qui font l'honneur de leur arme ou de leur administration ? »

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Tortures et bavures