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Ni roi, ni Dieu

La cour des miracles

L'apprentissage du vol par les plus jeunes se fait de manière méthodique. Les exercices sont longuement répétés pour subtiliser des bijoux, une montre, couper les cordons d'une bourse sans se faire remarquer.
Avant d'être intronisé, l'apprenti voleur est soumis à l'épreuve suivante. Dans un lieu fort encombré, il s'empare d'une bourse.
Dénoncé par ses propres camarades, le voleur, poursuivi par la foule en colère, doit parvenir à s'enfuir, tandis que les autres, profitant de la confusion, détroussent à tour de bras.

Ni roi, ni Dieu. Ni foi, ni loi

Le Maître de Hongrie à la cour des miracles
Ces malfaiteurs appartiennent à toutes les nationalités mais, outre les Français, la Cour compte de nombreux vauriens espagnols, italiens, allemands, échappés de prison guettés par la potence. Toutes les religions, si l'on peut dire, sont représentées. Les juifs, les chrétiens sont mêlés aux mahométans et aux idolâtres.
Les Saltimbanques et les Zingari, les bohémiens et les égyptiennes forment également un groupe important. Dans ce groupe l'on trouve surtout les jeteurs de sorts, les diseuses de bonne aventure, les distributeurs d'onguents, de philtres ou de poisons, les spécialistes de magie noire et blanche, les sorcières occasionnelles et les faiseuses d'anges.
La plupart des bandits sont mariés à d'ignobles mégères ou à des concubines de passage, filles publiques ou de petite vertu. Selon leur rang on les appelle des marquises ou des follettes. Certaines cependant ont droit, sous peine de mort, au respect de tous. Il en est ainsi pour la fille et la femme du grand Coésre.
Cette association de malfaiteurs obéit en effet à des coutumes et à des moeurs très précises. Le Maître de Hongrie domine ses troupes de son autorité et de son droit de vie ou de mort. Il commande à des groupes armés. Les hommes, et parfois les femmes ou les enfants, portent une arme apparente ou cachée (poignards, couteaux, serpes, cognées, estramaçons, crocs de hacquebute, haches, épées, dagues, arbalètes...).
Certains groupes ont un rudiment d'uniforme (coiffures ou vêtements, guenilles, haillons ou souquenilles plus ou moins défraîchis ou troués). Tous les membres ont un sobriquet dont ils se réclament avec effronterie (Clopin, l'Assommeur, Croque Oison, Andry le Rouge, Chante-prune, Bellevigne, Rouge Oreille, Trouveine, Casse tête, Sans Ecus...).
Ils connaissent les mots de passe et parlent un argot que l'on appelle le narquois. C'est avec ces groupes que sont commis les crimes collectifs les plus odieux. Mais il y a aussi les individualistes qui opèrent seuls tout en obéissant aux lois du clan.
Cette population plus ou moins affamée, vit entassée dans des soupentes noires et sales, bouges sordides éclairés par des chandelles fumeuses où, même à midi, la lumière ne pénètre pas. On couche sur des chiffons à même le sol. On mange sur des tables boiteuses assis sur quelques vieux tabourets. L'âtre qui fume et noircit les murs de craie salis laissent à peine voir les toiles d'araignées des solives ou l'échelle de bois qui conduit à la trappe du plafond.

Alors débute l'orgie.

mendiants dans la cour des miracles
La Cour des Miracles possède cependant une vaste salle de réunion, située dans la cave d'une ancienne Tour. Près d'une cheminée démantelée, dans la partie la plus basse, il y a une sorte d'estrade où se tiennent le maître et ses cagous lorsqu'il s'agit d'haranguer leurs affidés. A l'entour de nombreux bancs, plus ou moins bancals servent à l'assistance.
Les jours de ripaille, ou lorsqu'il s'agit de partager le butin, on fait un grand feu. Nous imaginons, non sans frayeur, ce cercle du crime illuminé par la hauteur des flammes qui mettent en relief ces faces hébétées aux mines patibulaires et avinassées, ces mentons mal rasés, ces trognes perverses et tous ces gros bras nus, marqués de plaies, de cicatrices ou de tatouages. La salle devient bien vite une taverne infernale où l'on boit au tonneau, l'alcool, le vin et la cervoise. Alors débute l'orgie. Les truands chantent des chansons obscènes ou assassines qui retracent leur vie ou leur mort, se gaussent du guet et de la potence.

C'est aussi une cour de justice

mariage à la cour des miracles
La Cour des Miracles est aussi une Cour de Justice chargée de punir les marpaux (espions et traîtres) et tous ceux qui y pénètrent sans autorisation. La sanction, c'est la mort par la corde. Cependant, pour ces derniers, reste la possibilité d'un enrôlement dans les troupes des francs mitous.
Le cérémonial rappelle la réception du néophyte. Le grand Maître demande au malheureux égaré dans ces lieux :
« Veux-tu t'enrôler parmi les gens de la petite Flambe, te reconnais-tu sujet du royaume d'argot, truand dans l'âme ? ».
Bien sûr la réponse est affirmative, ce qui incite le chef des truands à poursuivre : « Veux-tu prouver que tu es bon à quelque chose et fouiller le mannequin ? »
Alors les aides apportent deux poteaux que l'on dresse rapidement sur le sol. Une solive est placée en travers et l'on pend par une corde un épouvantail à grelots et clochettes. Un escabeau est avancé juste en dessous. Le postulant forcé doit se tenir sur la pointe du pied gauche et prendre une bourse qui se trouve dans la poche du mannequin sans faire le moindre bruit. S'il réussit,il a la vie sauve. Sinon il est roué de coups pendant 8 jours avant son exécution. Toutefois il échappe à la mort si une truande le réclame pour époux. Le mariage est fixé à quatre ans. Il se déroule selon un usage bien établi. Le Duc d'Egypte apporte une cruche que le fiancé doit briser à terre puis le fils du Maître impose ses mains sur les fronts en disant : « Elle est ta femme, il est ton mari... »

Admission dans la Confrérie

voleur dans le Paris grand siècle
La réception d'un néophyte obéit à un véritable cérémonial. Le Maître, porteur de son sceptre, le reçoit entouré de ses cagous. Il le fait mettre à quatre pattes et s'asseoit dessus pour s'assurer que ses os sont bons. Après cette constatation il le fait lever, cracher dans un bassin et verser dans la crosle (écuelle) la somme indiquée par son parrain, en général 3 ronds. Le parrain est le truand choisi par le néophyte, il recueille, à ce moment, les oboles que verseront les autres affidés. Ces oboles varieront selon l'importance de chacun. Elles serviront aux réjouissances qui suivront. Le Maître rappelle alors au cagou responsable qu'il devra enseigner au néophyte l'art de s'aquiger de l'amadou et de se faire des ulcères pour attendrir les bonnes âmes.
Le novice est invité ensuite à enfoncer un bâton en terre le plus profondément qu'il peut en disant : j'atrime au Triglelicourt , c'est-à-dire je déroberai trois fois de mon mieux. Après quoi, il doit baiser la main de son cagou et lui promettre la foi. Enfin il embrasse la cuisse du Maître en jurant sur sa vie de ne rien dire à personne sur les secrets de la Cour. Alors le grand Coésre se lève et demande :
« Sur qui veux-tu marcher ? »
Le néophyte répond : « sur la Dure », ce qui entraîne la réplique traditionnelle du Maître :
« Non, il y a plusieurs chemins pour aller à Rome ».
Et la cérémonie se termine par le serment de Fidélité alors que le Maître se rasseoit en disant : « Lève la main gauche car c'est une erreur des Parlements de faire lever la droite puisque c'est celle avec laquelle nous sonnons la mort ».
Les pactes de sang sont plus rares. Victor Hugo nous a décrit l'un d'eux dans Notre-Dame de Paris... Deux gobelets sont apportés à demi remplis de vin. Dans chacun d'eux un truand fait couler, en incisant l'avant bras avec un poignard, le sang du novice et celui du Maître ou d'un Cagou. Puis les deux hommes trinquent et boivent d'un trait en prononçant les paroles rituelles : «Tu as en moi un frère et un allié jusqu'à la mort ». Ces pactes, conformes à l'honneur des Truands, sont en général, scrupuleusement respectés.
L'apprenti voleur doit suivre une formation intensive
Tous les membres de la confrérie des malfaiteurs ont un sobriquet dont ils sont fiers:
Croque-Oison, l'A ssommeur, Rouge-Oreille, Casse-Tête, Sans Ecus...
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Vie sans souci des gueux de Paris, par Nicolas Guérard.

« Qu'il grêle, qu'il vente, qu'il tonne, Nous sommes gens que rien n'étonne. Qui vivons, dormons en sûreté, en repos, sans crainte des voleurs de tailles, ni d'impôts.
Et passons sans chagrin la vie, ainsi que les oiseaux par notre gueuserie.
Trouvons partout sans semer ni planter, à remplir le jabot et de quoi nous gîter. »