Meurtres et assassinats
rideau

Les injures trouaient la nuit et s'abattaient, accompagnées de projectiles divers, sur la patrouille de gendarmerie. Puis, après un coup de sifflet, le tintamarre emplit les rues du centre de la ville. C'était le nouveau jeu. La riposte des pieds-noirs aux opérations de dissuasion policières. A l'abri derrière leurs volets, ou en chemise sur leurs balcons pour les plus courageux, les Européens frappaient sur des casseroles ou des poêles à frire les trois brèves et deux longues d'Al-gé-rie Fran-çaise. Ah! on voulait leur casser le moral, on voulait les contrôler comme de vulgaires melons, on voulait perquisitionner comme dans la Casbah pendant la bataille d'Alger ; ils en auraient vite assez, ces tortionnaires. Et ce n'était qu'un début !
Depuis le 26 avril l'hostilité des pieds-noirs se cristallisait sur les gendarmes mobiles, les C.R.S. et les appelés métropolitains du contingent, chargés du maintien de l'ordre à Alger. Le soir venu, protégés par l'ombre et l'anonymat, ils pouvaient enfin cracher leur haine et leur mépris du haut de leurs balcons sur ces représentants d'un pouvoir honni et ces spécimens d'une métropole sans couilles.

concert de casseroles des pieds noirs
oas

Le 3 mai, un nouveau tract, signé cette fois de trois initiales O.A.S., annonçait que la guerre commençait.
« Une grande armée des maquis s'organise. La provocation du régime a neutralisé certains chefs félons. Les purs restent avec nous et poursuivent le combat... Ecoutez-nous et tout peut être sauvé. Ne rendez pas vos armes. Regroupez-vous en petites sections. Descendez ceux qui veulent vous arrêter. Incendiez les palaces de l'administration. Tuez tous les traîtres, petits et grands. Sabotez la presse et brûlez ses dépôts. N'écoutez plus la radio qui ment et intoxique. »
Le 19 mai, à la veille des « scandaleuses » négociations d'Evian, dix-neuf charges de plastic explosaient à Alger, frappant des musulmans ou des Européens libéraux. Une nouvelle fois Alger s'enflammait. Dans les cafés populaires à l'heure de l'anisette, on échangeait les informations les plus fantaisistes : « Tous ceux qui ne s'étaient pas rendus comme ces fous et ces traîtres de Challe, Zeller et autres Saint-Marc se préparaient à déclencher la lutte armée... Salan circulait comme il voulait dans la Mitidja à bord d'une voiture à fanion entourée de motards de l'O.A.S... Godard regroupait ses forces pour une nouvelle « bataille d'Alger ». Il avait l'habitude... La lutte ne faisait que commencer. »
Les plastics quotidiens étaient la preuve de l'existence de l'Organisation armée secrète dont le sigle apparaissait sur les murs de tous les quartiers européens.

meurtre du commissaire gavoury par l'OAS

Ce n'étaient pas les 26 000 hommes dont le préfet de police Jannin disposait pour maintenir l'ordre à Alger qui empêchaient les « stroungas » d'exploser !
Ce n'étaient pas eux non plus qui empêchaient les attentats F.L.N. de se multiplier ! Grenades, assassinats au poignard ou au pistolet se succédaient.
Le 9 et le 10 juin les attentats F.L.N. faisaient quatre morts et trente-sept blessés à Alger. Le 13 juin, tandis que l'on apprenait l'échec des négociations, l'O.A.S. exprimait sa joie en faisant exploser un plastic en plein centre de la ville. Immédiatement de la rue d'Isly à la rue Michelet s'élevait le plus extraordinaire concert de klaxons et de casseroles que la ville ait jamais connu.
Les patrouilles d'appelés détournaient les regards devant les bras d'honneur. Leurs oreilles se fermaient aux injures.
C'est bien vrai, l'O.A.S. frappe où elle veut, quand elle veut, qui elle veut.
Le slogan passait de bouche en bouche, de tract en tract, de bistrot en bistrot. Jusque-là, le plastic intimidait, détruisait boutiques et appartements, mais ne tuait pas. Les tracts restaient rodomontades méditerranéennes. Pourtant, lorsque, le I"' juin, Alger apprit que, dans la nuit, le commissaire central Roger Gavoury, chargé des enquêtes sur l'O.A.S. à la suite du putsch, avait été assassiné, on sut que l'Armée secrète avait changé de style. L'heure de la vengeance avait sonné et l'anisette avait coulé à flots pour arroser l'événement.C'était à nouveau l'engrenage de la violence. Après tout, le meurtre et l'assassinat avaient bien réussi au F.L.N. ! Pourquoi ne pas l'employer pour garder l'Algérie à la France ?

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L'OAS s'organise