Mme Barré travaillait à l'Assistance publique depuis 17 ans. Un enfant épileptique, qu'elle soignait à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, l'a frappée d'un violent coup de pied dans l'abdomen, provoquant une péritonite, dont l'infirmière est décédée quelques heures plus tard. Cet accident du travail et du devoir, relaté par la presse en janvier 1910, illustre bien le dévouement, et même l'esprit d'abnégation, que requiert cette profession exposée à mille dangers et soumise à un dur labeur.
Voici, selon Mme Camille Pert le portrait type d'une infirmière des hôpitaux à la Belle Époque : « Ordinairement de taille moyenne, alerte, sans embonpoint, vêtue de noir, avec le large tablier à bavette de grosse toile blanche, les fausses manches et le petit bonnet de lingerie posé sur les cheveux bien lissés - et uniformément le teint ivoire, spécial aux hôpitaux, qu'il s'agisse des malades ou du personnel qui vit dans l'atmosphère saturée de souffles pernicieux et de désinfectants énergiques. »
Pendant longtemps, l'assistance et les soins aux malades ont été l'apanage des religieuses. En 1878, on dénombrait 20 000 soeurs de la Charité. En 1913, les « bonnes soeurs » sont encore près de 12 000 dans les établissements de soins. La situation commence à changer, au bénéfice d'un personnel laïque, avec l'organisation de cours municipaux, à Paris, par l'Assistance publique, sous l'égide du docteur Boume-ville. L'exemple est suivi en province par une vingtaine d'hôpitaux qui proposent aux dames et aux jeunes filles des cours du soir.

Mais il faut attendre 1907 pour que soit créée la première école officielle d'infirmières, la célèbre école des « Bleues », à l'hôpital de la Salpêtrière. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, 513 infirmières seront formées dans cet établissement. L'Assistance publique ne promet pas un pont d'or à ses jeunes élèves. Celles-ci devront se contenter d'un salaire modeste. D'abord stagiaires, puis titulaires, sous-surveillantes et enfin surveillantes, elles ne gagnent au maximum que 900 F par mois. Toutefois, les infirmières des hôpitaux sont blanchies, nourries, logées dans des dortoirs et fournies en linge de service.
Parallèlement à cet enseignement de caractère public existent les écoles d'infirmières de la Croix-Rouge française et celles que patronnent les dames de la haute bourgeoisie pour les jeunes filles de bonne famille. Appartient à cette catégorie l'établissement ouvert par Mme Alphen Salvador le 19 janvier 1900, rue Amyot, derrière le Panthéon, dans un quartier discret. Émanation de l'Œuvre pour l'assistance aux malades, il n'admet que les jeunes filles de famille et d'éducation absolument irréprochables, auxquelles il en coûte la coquette somme de 80 F par mois ! À l'issue de deux années de formation théorique et technique, les jeunes et distinguées assistantes - terme employé de préférence à celui d'infirmières - trouvent un emploi comme gardes-malades dans des familles aisées. C'est l'association qui se charge de leur placement et règle les modalités de leur séjour chez les particuliers. Les assistantes reçoivent un traitement de 1 200 F par an et sont nourries soit à l'école, soit dans la famille. Les élèves sont tenues de prendre un engagement de quatre ans au service de l'association, contrat renouvelable par période de trois ans.

À l'attention des infirmières frappées par la maladie dans l'accomplissement de leur travail, l'Assistance publique ouvre à Forges-les-Bains, près de Limours-en-Hurepoix (au sud de l'île-de-France), une maison de convalescence, présentée comme un modèle du genre dans les journaux de l'époque. Le site en est agréable, les installations, confortables, et le calme ' de l'établissement est garanti par un isolement absolu. Aucun service d'autobus ne relie la maison de convalescence de Forges-les-Bains à la gare de Limours. Pour parcourir ce trajet, qui ne demande pas moins de trois quarts d'heure de voiture, il n'y a d'autre possibilité que d'emprunter le véhicule de l'établissement.