Le médecin de campagne ...
rideau
medecin 1900

Définition relevée dans l'almanach illustré du Petit Parisien. en date du mercredi 24 février 1932:
Un médecin est un homme que l'on paye pour conter des fariboles dans la chambre d'un malade, jusqu'à ce que la nature ait guéri celui-ci ou que les remèdes l'aient tué.
Qu'était-ce un médecin, sinon un monsieur bien habillé, bien savant, qui gagnait de l'argent sur les malaises d'autrui? Voilà pourquoi les paysans le regardaient avec méfiance et ne se montraient jamais chauds pour gober la profusion de cachets bizarres qu'il préconisait. Ils ne le consultaient qu'après avoir tenté de se soigner par leurs propres moyens, avec des tisanes et des onguents éprouvés depuis belle lurette, composés de choses qu'ils connais­saient. Chaque famille avait ses remèdes qu'elle s'opiniâtrait à essayer d'abord, des bouillons aux herbes bienfai­santes et des panacées à la poudre de perlimpinpin. C'était seulement quand la maladie persistait, toutes les médications ayant raté, qu'on se résignait à faire appel au praticien du bourg. Parfois, hélas ! les conséquences des atermoiements s'avéraient aggravantes, sinon fatales.
Les Poitevins prétendaient qu'ils gagnaient quarante sous sur le médecin, chaque fois qu'ils bisaient "godaille" ou "chabrole". Autrement dit: qu'ils versaient un verre de vin rouge dans leur assiette de soupe, pour la rincer. On se doute qu'à ce genre de réflexion applaudissaient la plupart des guérisseurs

medecin de campagne

Témoignage d’un médecin de campagne.
Article anonyme (signé Dr Nemo) écrit pour se défouler par le praticien d'une petite bourgade, écœuré, déprimé par l'avarice et la méchanceté de sa clientèle.

Connaissez-vous Potinville? C'est une petite bourgade de 1 000 habitants, dont 1/3 de miséreux, le reste embrigadé dans une société de Secours mutuels à tarif réduit, et, pour cet embryon de clientèle, il y a trois médecins, jeunes, pleins d'activité, s'escrimant à qui mieux mieux, s'essoufflant, battant l'estrade, pour attirer ou retenir un public rare, qui va de l'un à l'autre en gouaillant et, naturellement, sans payer.
A quoi bon se gêner? N'est-on pas sûr de trouver, à toute réquisition, le médecin n°1, 2 ou 3, toujours empressé, le dos arrondi, la bouche en coeur, le chapeau balayant le seuil, se précipiter au premier coup de sonnette, abandonnant en hâte dîner, sommeil, famille, repos, et avec des exclamations : « Oh! mon Dieu! le pauvre amour, le cher petit ange! » ou bien : « Ah! vraiment! Cette bonne Madame Bribiche!... Depuis trois jours, dites-vous. Allons! dépêchons vite, je cours avec vous... »
De retour à la maison, devant le dîner refroidi, le médecin se rattrape et passe sa mauvaise humeur : « C'est l'affreux gosse à Balochard qui a de l'eczéma dans le nez où il a toujours les doigts fourrés... C'est cette vieille bête de Bribiche qui, depuis trois jours avale l'urine de son mari, parce qu'elle a dans le ventre un crapaud, qu'elle ne peut pas faire déguerpir... »
Mais à peine a-t-il fait cette sortie qu'il s'arrête et pâlit devant les chutt! et les signes de désolation de son entourage. Il a oublié que la domestique peut trahir, que la lingère, Mlle Mijaurée, est dans la pièce à côté, que la laitière est peut-être encore à la cuisine. Ah! mon Dieu! si par hasard elles avaient entendu!... quelle catastrophe!... Sûrement cela se saura d'un bout à l'autre du village!...
Que va-t-il advenir? D'autant plus que Mme Plumasseau, la modiste, est déjà furieuse parce que Madame s'est fait confectionner un chapeau par sa concurrente, Mlle Lahupette. Et puis, on a oublié de complimenter la tailleuse qui a raté le vêtement de la belle-mère du médecin — et enfin, pour comble! le médecin lui-même n'a-t-il pas osé faire observer, humblement, c'est vrai, à son cordonnier, Brisecuir, le terrible Brisecuir! que les escarpins qu'il lui avait fabriqués lui faisaient mal. Et depuis avant-hier, Brisecuir, les yeux exorbités, ne décolère pas : « Ce sacré avorton!... ce charlatan de malheur!... Faut pas qu'il la fasse à la pose, ce médecin de quat'sous, qui n'est pas seulement capable de guérir ses cors aux pieds!... »
Et c'est ainsi chaque jour, et malgré les rebuffades, malgré les haussements d'épaules, les rires ironiques, les réceptions glacées et les propos malveillants qui se chuchotent autour de lui, le médecin obséquieux, déambule, envoyant à droite et à gauche des coups de chapeau, jusqu'à terre, prodiguant partout les sourires aimables, les paroles sucrées, les caresses fondantes...
On l'exploite et on se moque de lui. Il n'ose même plus sortir pour prendre l'air ou un peu de distraction depuis qu'il a vu le public scandalisé et indigné parce qu'il avait été aperçu pénétrant dans un café pour faire sa partie de manille, le jour même où il soignait le père Nicole pour une fluxion de poitrine, fluxion dont il mourait trois jours plus tard, le pauvre Nicole! « Pensez-donc!... Quel sans coeur, ce médecin! Et puis, aller au café! faut-il n'avoir rien à faire!... »
La clientèle, dont il est le plat valet, se sert de lui et le méprise. Que voulez-vous? Le public est simpliste; il s'imagine toujours qu'on lui en donne pour son argent; et comment voulez-vous qu'il apprécie les services qu'on lui rend, si on les estime assez peu soi-même pour ne pas se les faire payer. Le public a-t-il vraiment tort?
Dans tous les cas le médecin de Potinville gagne tout juste à la fin de l'année, autant que le manoeuvre du coin, un peu moins que le cantonnier ou le facteur auxquels il prodigue gratuitement ses soins. Quant à ses frais multiples, frais de cheval, de voiture, de loyer, ses dépenses professionnelles, tout cela sera payé avec les ressources de la dot de madame, si madame a été pourvue d'une dot.
Si la tentation vient, à la fin de l'année, d'envoyer une note d'honoraires, le médecin de Potinville la refoule bien loin, comme une mauvaise pensée. Songez donc! Si on allait mécontenter Grenicheux qui doit une note depuis 5 ans! Comme il irait vite conter sa mésaventure à son voisin, en l'agrémentant de propos tels que ceux-ci : « Eh bien! il en a du culot, le croquant! me réclamer de l'argent à moi! il doit bien savoir qu'il est assez payé pour ce qu'il a fait... Il me compte 10 visites, et je suis bien sûr qu'il n'est pas venu plus de 4 fois. Et pour ce que ça va servir! Si la mère Nitouche ne m'avait pas fait boire une tisane de camomine j'étais bien sûr de tourner l'arme à gauche avec les portions de c't'empoté... Ça vit de la sueur et des maladies du pauvre monde, et ça roule carrosse avec not'argent, sale métier et sales gens!...

L’almanach Médecin des pauvres
Il s'agissait d'un livre broché qui, moyennant le modique prix de 5 francs, réunissait les deux mille recettes mijotées par le docteur Beauvillard pour préserver ses lecteurs des pires maux. Lire cet ouvrage, c'était la santé garantie. Tout était traité, depuis les vertus des simples jusqu'à l 'enseignement pour une "hygiène bien comprise". Certains remèdes soulageaient pareillement les humains et les bestiaux. Les "maladies secrètes et contagieuses des deux sexes" faisaient néanmoins l'objet d'un second tome car l'auteur, considérant pudiquement le caractère confidentiel de ces désagréments, répugnait à en Parler dans son "Médecin des pauvres", qui était lu par tous et se trouvait même entre les mains des enfants. À noter que le tirage annuel de ce livre atteignait le demi-million d'exemplaires !
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