Nous nous sentions bien seuls
rideau
tank en 1917

Si décimée déjà est notre infanterie que la dernière ligne conquise, derrière nous, est à peine occupée. Je n'y ai pas vu de mitrailleuses. Il ne faut pas, dès lors, envisager de recul...
— Clac, clac, clac, clac...
C'est venu comme grêle, sans prévenir. Une mitrailleuse ennemie nous crible de balles qui sonnent sur le blindage. Et, en même temps, il vole dans le char des choses confuses, qui nous frappent, qui nous fouaillent.
Nous nous regardons, stupéfaits. J'aperçois deux figures en sang et quelqu'un me crie :
— Vous êtes blessé, mon lieutenant... Je passe la main sur ma figure : je la retire rouge.
— Marche arrière.
Il faut se rendre compte de ce qui nous arrive.
Une fureur déjà gronde en nous contre ces marchands de ferraille qui nous ont entassés là-dedans, derrière ces faux blindages que traversent les balles.
Dix mètres en arrière : la mitrailleuse s'est tue. Nous sommes défilés.
Je bondis dehors.
L'avant du char est criblé de balles mais l'honneur des constructeurs est sauf. Aucune d'elles n'a pénétré.
Seulement, plusieurs ont atteint les fentes de visée, y arrachant toutes ces limailles qui nous, ont frappés.
—. Allons, ce ne sera rien. .
J'essuie ma figure. Mon mouchoir est noir d'huile, plus que rouge de sang.
Il n'y a qu'à continuer, mais continuer cette fois, sûrs de nos blindages, heureux de l'expérience sincère que nous venons de faire.

Devant nous, un bled qui paraît immense, qui s'élève doucement vers l'horizon lointain, vers un petit bois qui nous sert de repère.
Là-dessus, pas un homme.
Bon nombre de chars, déjà, sont hors de combat. Et nous nous sentons bien peu de chose, bien seuls, sans infanterie à nos côtés. Cent mètres d'intervalle séparent les chars qui se sont déployés.
Nous avançons, les yeux aux fentes de visée, inquiets de l'inaction d'en face, des embûches inconnues qui se préparent pour nous.

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Les premiers Chars