Allan Boesak, lui, est un métis du Cap. Il appartient à la «soeur de couleur» de l'Eglise réformée hollandaise. Au début des années soixante-dix, il est l'un des grands théoriciens de la Théologie noire qui déclare que le temps est venu pour l'homme noir d'évangéliser et de libérer l'homme blanc. En 1984, il lance le Front démocratique uni (UDF) qui rassemble au grand jour plus de sept cents organisations antiapartheid qui feront plier le régime de Pretoria, sortir l'ANC de la clandestinité et libérer Mandela. Aux élections d'avril 1994, il est tête de liste de l'ANC dans la région du Cap.
Les métis, majoritaires dans la ville, voteront à 60 % pour le Parti national de De Klerk. Certains attribuent l'échec électoral de Boesak à son divorce et son remariage qui choquèrent profondément les principes religieux de la communauté métisse.
Au début, les prêtres de l'Eglise réformée hollandaise qui débarquent. avec les premiers colons flamands ne veulent pas faire de mission. Ils ont pour devise : «Dans l'isolation est notre force.» Ce n'est que deux siècles plus tard qu'ils acceptent de convertir des gens de couleur et rapidement, dès 1881, ils établissent à cet effet des églises séparées pour les Blancs, les Noirs, les métis et les Indiens. En s'appuyant sur certains chapitres de la Bible, tel que la tour de Babel, ils estiment en effet que «la diversité ethnique est, dans son origine première, en accord avec la volonté de Dieu qui peut seul en disposer». Ainsi, l'Eglise réformée hollandaise ne cessera, tout en dénonçant le racisme, de soutenir la politique nationale du développement séparé (apartheid) conforme à la volonté divine.
Elle produira pourtant quelques-uns des plus virulents ennemis du régime, les pasteurs • Bayers Naudé et Allan Boesak. Dans sa jeunesse, Bayers Naudé appartint au très confidentiel Broederbond, une organisation d'Afrikaners purs et durs qui croient que Dieu a tout spécialement réservé la terre la plus septentrionale de l'Afrique à une nation élue, les Blancs afrikaners. Cependant, au cours de groupes d'étude de la Bible, il redécouvre le véritable message chrétien du partage et fonde le Christian Institute qui se donne pour tâche de rassembler les hommes de toutes races autour du Christ. Très vite, l'Eglise réformée hollandaise lui demande de choisir son camp. Il quitte son ministère et va prêcher dans les banlieues noires. En 1976, lors des émeutes de Soweto, Bayers Naudé et son institut dénoncent les tortures de la police et protestent contre la mort en prison de Steve Biko, le leader de la Conscience noire. Le Christian Institute est banni, Bayers Naudé interdit de parole publique, donc de prêche.