Ces églises qui ont fait plier le pouvoir blanc
eglise en afrique du sud
eglise noire en afrique du sud
Desmond Tutu
Mais l'organisation chrétienne qui se fait le mieux entendre est incontestablement le Conseil des Eglises sud-africaines, la SACC, qui regroupe une majorité d'Eglises anglophones. Après les émeutes de Sharpeville, en 1960, qui provoquent l'arrestation de tous les militants antiapartheid ou leur exil, la SACC demeure pendant plus de vingt ans la seule organisation multiraciale militante qui échappe au bannissement et à la clandestinité. En 1978, Desmond Tutu, archevêque anglican noir, en devient le secrétaire général. Sa stratégie est celle de la lutte non violente, la désobéissance civique, la propagande pour l'objection de conscience, l'appel aux sanctions économiques internationales contre l'Afrique du Sud, le soutien aux syndicats noirs, la condamnation de l'occupation de la Namibie, la dénonciation des emprisonnements sans procès.
Jamais, même dans les moments de désespoir les plus sanglants où le recours à la force semble le seul moyen pour venir à bout de l'apartheid, jamais la SACC ne renonce à ses stratégies non violentes. Lorsque, par exemple, en 1970 le Conseil oecuménique des Eglises, basé à Genève, décide d'aider financièrement les mouvements de libération armés en lutte contre l'apartheid, la SACC rejette cette décision en réaffirmant son attachement à la lutte pacifique, quitte à passer pour collaboratrice du régime de Pretoria aux yeux de l'opinion internationale. C'est cette obstination qui vaut à Desmond Tutu de recevoir le prix Nobel de la paix en 1984.

Allan Boesak, lui, est un métis du Cap. Il appartient à la «soeur de couleur» de l'Eglise réformée hollandaise. Au début des années soixante-dix, il est l'un des grands théoriciens de la Théologie noire qui déclare que le temps est venu pour l'homme noir d'évangéliser et de libérer l'homme blanc. En 1984, il lance le Front démocratique uni (UDF) qui rassemble au grand jour plus de sept cents organisations antiapartheid qui feront plier le régime de Pretoria, sortir l'ANC de la clandestinité et libérer Mandela. Aux élections d'avril 1994, il est tête de liste de l'ANC dans la région du Cap.
Les métis, majoritaires dans la ville, voteront à 60 % pour le Parti national de De Klerk. Certains attribuent l'échec électoral de Boesak à son divorce et son remariage qui choquèrent profondément les principes religieux de la communauté métisse.

Au début, les prêtres de l'Eglise réformée hollandaise qui débarquent. avec les premiers colons flamands ne veulent pas faire de mission. Ils ont pour devise : «Dans l'isolation est notre force.» Ce n'est que deux siècles plus tard qu'ils acceptent de convertir des gens de couleur et rapidement, dès 1881, ils établissent à cet effet des églises séparées pour les Blancs, les Noirs, les métis et les Indiens. En s'appuyant sur certains chapitres de la Bible, tel que la tour de Babel, ils estiment en effet que «la diversité ethnique est, dans son origine première, en accord avec la volonté de Dieu qui peut seul en disposer». Ainsi, l'Eglise réformée hollandaise ne cessera, tout en dénonçant le racisme, de soutenir la politique nationale du développement séparé (apartheid) conforme à la volonté divine.
Elle produira pourtant quelques-uns des plus virulents ennemis du régime, les pasteurs • Bayers Naudé et Allan Boesak. Dans sa jeunesse, Bayers Naudé appartint au très confidentiel Broederbond, une organisation d'Afrikaners purs et durs qui croient que Dieu a tout spécialement réservé la terre la plus septentrionale de l'Afrique à une nation élue, les Blancs afrikaners. Cependant, au cours de groupes d'étude de la Bible, il redécouvre le véritable message chrétien du partage et fonde le Christian Institute qui se donne pour tâche de rassembler les hommes de toutes races autour du Christ. Très vite, l'Eglise réformée hollandaise lui demande de choisir son camp. Il quitte son ministère et va prêcher dans les banlieues noires. En 1976, lors des émeutes de Soweto, Bayers Naudé et son institut dénoncent les tortures de la police et protestent contre la mort en prison de Steve Biko, le leader de la Conscience noire. Le Christian Institute est banni, Bayers Naudé interdit de parole publique, donc de prêche.

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