La dernière patrouille
de l'U-172

Les grands As
des U-Boote

Toute la 6e patrouille sera marquée par la malchance. Le livre de bord la relatant étant parti au fond de l'eau, les évènements ont été reconstitués d'après les rapports d'attaques alliés, les interrogatoires des survivants par l'armée américaine et le témoignage d'Herbert Plottke après-guerre.
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La 6ème patrouille, Emmernam n'est plus commandant de l'U-172

Emmernam n'est plus commandant de l'U-172
L'orsqu'ils rentrent de permission, les anciens membres d'équipage découvrent de nombreux changements. Jusqu'alors Emmermann avait réussi à garder ses hommes auprès de lui, mais, cette fois, 18 d'entre eux ont été mutés ou promus. ils sont remplacés par 25 nouveaux qui n'ont aucune expérience dans l'Arme sous-marine ; certains matelots n'ont même pas fait d'école spécifique à cette arme...
Trois nouveaux officiers ont été affectés à l'U-172 : l'officier en second autrichien Maximilian Coreth, l'officier en 3e Heinz Rietdorf et l'ingénieur principal Alfred Löffler. Face a des alliés de plus en plus forts, les quelques anciens qui sont restés prennent conscience que leur prochaine mission sera certainement la dernière... D'autant que les nouveaux officiers ne sont pas spécialement appréciés...
Mais le coup de massue tombe vraiment le 7 novembre 1943. Carl Emmermann a réuni l'équipage de l'U-172 au foyer des sous-mariniers de Kéroman. Après avoir remis la Croix de Fer à cinq officiers mariniers et à deux matelots, il les regarde avec affection. La moitié d'entre eux ont traversé tant d'épreuves avec lui. Il leur annonce alors qu'il a accepté un poste à terre; il vient d'être nommé le matin même chef de la 6e flottille à Saint-Nazaire. Mais c'est son ancien second, Hermann Hoffmann qui prend le corrimandement de l'U -172 ; âgé de seulement 22 ans, il connaît cependant bien ce sous-marin et son équipage, ayant participé aux cinq missions précédentes.
Ernmermann leur annonce aussi que l'armement antiaérien de l'U-172 a été fortement renforcé : deux canons antiaériens jumelés sur la baignoire et un 2.0 mrn quadruple sur la plateforrne arrière, huit tubes au lieu de deux pour la mission précédente. Les sept membres d'équipage qui avaient été envoyés suivre un entraînement spécial d'une semaine sur les canons antiaériens à l'école de Marine-Flak de Mimizan comprennent la raison de cette formation !
Leur ancien commandant leur déclare ensuite que des nouvelle storpilles acoustiques T5 seront perçues avant le départ pour pouvoir lutter efFicacernent contre les escorteurs'à faible tirant d'eau. Un médecin sera aussi embarqué pour la prochaine mission. Mais ces nouvelles ne suffisent pas à ramener la confiance parmi les anciens. Ils voient bien que la plupartdes alvéoles de Kéroman sont vides, que la plupart des sous-marins qui partent ne reviennent plus... Mais le service est le service... Des munitions et des vivres en grande quantité sont chargées à bord, des rumeurs circulent que la destination de la prochaine mission serait la lointaine base de Penang en Extrême-Orient.

Le vrai départ de l'U-172

L'U-172 à St-Nazaire le 19 novembre 1943
L'U-172 quitte Lorient le 13 novembre 1943 à 13h pour sa patrouille qui va se révéler malchanceuse jusqu'à la fin... Cela commence dès la sortie de la base, pendant laquelle l'avant tribord du submersible accroche le mur de l'alvéole Comme aucun dégât n'est constaté, le sous-marin part quand même avec son escorte. Mais la mer est si mauvaise que l'escorteur annonce devoir faire demi-tour ; l'U-172 est alors envoyé dans la base du Scorff.
C'est là qu'un membre d'équipage découvre que la protection du gouvernail de plongée avant tribord a été endommagée, certainement lors du choc. Après les travaux de réparation, le sous-marin repart de Lorient le 16 novembre. il doit d'abord rallier Saint-Nazaire pour percevoir deux nouvelles torpilles acoustiques qui viennent juste d'être livrées dans ce port par train.
Une fois au large de Lorient, comme toujours une plongée d'essai est réalisée vers 22h. En remontant à la surface, une fuite d'huile par le clapet d'éjection des fumées des diesels est découverte, qui laisse une trace visible à la surface... Est-ce du sabotage ?
L'U-172 est escorté pendant tout le trajet jusqu'à Saint-Nazaire, atteint le 19 novembre, où l'équipage est accueilli par Ernmermann, chef de la 6e flottille. La manoeuvre d'approche faite par Hoffmann pour entrer dans une alvéole de la base sous-marine semble tellement incertaine qu'Emmermann le guide en faisant des grands gestes avec ses bras ! Les deux torpilles acoustiques T5 sont chargées dans les tubes lance-torpilles arrière ; en tout,l'U-172 embarque vingt torpilles, moins que par le passé à cause de la place prise par des munitions supplémentaires pour les huit canons antiaériens.
L'officier en troisième, jugé inapte aux sous-marins après les trois jours de traversée de Lorient à Saint-Nazaire, est remplacé par Friedrich-Wilhelrm Heitz.
Le 20 novembre, lors de la manoeuvre pour quitter la base, comme à Lorient la coque de l'U-172 percute violemment le mur en béton de l'alvéole ; le réservoir de carburant numéro 7 est déchiré...
Le submersible est aussitôt passé en bassin et une plaque rapidement soudée sur la déchirure; le mécanicien Walter Gerke présent depuis la première patrouille, proteste que la réparation est mal faite, mais on annonce que c'est très bien comme cela... Le 22 novembre à 14h, c'est le vrai départ. Dans l'écluse, Emmermann vient saluer chaque membre d'équipage et leur souhaiter bonne chance.

L'U-172 attaqué par un groupe de chasse

L'équipage aura bien besoin de chance car le départ a lieu un lundi, ce qui est censé porter malheur... Ensuite, quatre heures après avoir quitté son escortehr il est découvert que plusieurs clapets de remplissage d'eau des ballasts sont fermés et en position d'ouverture manuelle uniquement ; ce qui signifie que le submersible aurait mis beaucoup plus de temps à plonger en cas d'alerte... La fuite d'huile par le clapet d'éjection des fumées des diesels recommence, une nouvelle réparation est faite.
Lors d'une plongée d'alerte, l'écoutille du haut du kiosque ne se ferme pas, l'intérieur où se trouve le périscope de combat a été inondé et doit être vidé une fois en surface. À la sortie du golfe de Gascogne, aux premières heures du 3 décembre 1943, le radio qui vient de terminer sa veille dit à son successeur qu'il pense avoir entendu un bruit venant du détecteur de radar juste avant... L'alerte est donnée ainsi que l'ordre de virer sur bâbord immédiaternent; au même moment, dans le kiosque, un bruit de moteurs est entendu par les veilleurs, un bombardier Liberator arrive droit sur l'U-172 puis allume son projecteurs mitraille et largue six bombes explosant juste sur tribord ! S'il n'avait pas viré sur bâbord juste avant, c'était la fin. Le submersible plonge dans les profondeurs...
Le lendemain, alors que le submersible navigue en surface, les veilleurs dans le kiosque sont surpris par une grosse fumée noire provenant du central ! Un mécanicien inexpérimenté a fermé les clapets d'éjection des fumées du moteur Diesel tribord qui tournait, plusieurs membres d'équipage sont intoxiqués ; de l'airfrais est apporté pour remplacer l'air vicié. La mission continue, l'U-172 navigue la plupart du temps en immersion et ne fait surface que pour recharger ses batteries_ Après un ravitaillement par l'U-219 au sud-ouest des Açores, l'U-172 repart vers le sud en surface à grande vitesse pour s'éloigner de cette zone où plusieurs sous-marins ont rendez-vous, ce qui a généré un fort trafic radio.
Le 12 décembre à 8h23 alerte du détecteur de radar; quasiment en même temps alerte aérienne à partir des veilleurs dans le kiosque. Trop tard pour plonger, tous les canons antiaériens tirent vers le chasseur américain Avenger qui ne peut s'approcher. Il doit venir d'un porte-avions à proximité, pensent les deux servants du 20 mm quadruple qui entendent soudain l'air siffler, les ballasts se remplissent d'eau ! En se retournant, ils s'aperçoivent qu'ils sont seuls, leur sous-marin a commencé à plonger ! Ils ont à peine le temps d'ouvrir l'écoutille et de se jeter à l'intérieur, c'est Hoffmann qui la referme juste avant que l'eau ne recouvre le kiosque ! L'un des deux, Plottke, a eu deux côtes cassées lors, de sa chute de 4„50 m !
L'avion largue une torpille acoustique Fido et une bouée équipée d'un émetteur pour marquer la position. L'U-172 descend à 80 m et échappe à la torpille. Après presque une heure en immersion, des bruits d'hélice seraient entendus à l'hydrophone. Le commandant Hoffmann ordonne de plonger pour se positionner à profondeur périscopique... Encore une mauvaise manoeuvre, l'U-172 remonte trop vite et se retrouve à la surface à 9h27 ; heureusement pour l'équipage, l'océan est vide. Le submersible plonge alors à 180 m et s'éloigne cri changeant de cap de 180 degré, Mais seulement une heure plus tard, les hélices d'un destroyer sont entendues à l'hydrophone au 240...
Puis, a 10h52, un Asdic est mis en marche, maintenant au moins deux destroyers sont au-dessus.. A 12h14, l'un d'entre eux envoie des gerbes de 24 grenades dont le bruit est entendu quand elles percent la surface ; mais, curieusement, aucune explosion, ce qui signifie qu'ils emploient le lanceur de grenades Hedgehog dont les projectiles n'explosent qu'au contact, et sont mortels à chaque fois dans ce cas. L'équipage entend aussi tout autour le bruit d'autres grenades classiques qui percent l'eau et quelques secondes plus tard explosent.. Le bâtiment est très secoué comme s'il recevait des coups, les lampes s'éteignent, l'éclairage de secours se déclenche...
Jusqu'alors les anciens avaient eu affaire à des destroyers d'escorte, cette fois il s'agit d'un groupe de chasse qui n'a d'autre but que de les envoyer par le fond. Le submersible vire continuellement pour s'en sortir et oscille à différentes profondeurs jusqu'à 180 m. Fuites d'eau dans le compartiment avant et dans celui des moteurs électriques, à grande profondeur les pompes ne peuvent fonctionner à cause de la pression trop forte... La poursuite par des grenades Hedgehog et d'autres réglées pour exploser entre 50 et 2Ô0 m dure sept heures, jusqu'à 19h14. Puis plus d'Asdic, à l'hydrophone„ aux alentours de 20H, plusieurs destroyers sont entendus s'éloigner !

L'U-172 est obligé de faire surface au milieu des destroyers américains

Rescapés de l'U-172
Au bout de deux heures, le commandant donne l'ordre de remonter à profondeur périscopique. Rien n'est aperçu, l'océan semble vide ! A 23h23, surface, l'U-172 repart sur son moteur Diesel tribord... Soudain, un destroyer est aperçu à 9o° à seulement 2 000 m, avec une course parallèle au sous-marin. Est-il possible qu'ils n'aient pas été repérés ? Le sous-marin avance à environ huit noeuds, le destroyer va un peu plus vite et ne se rapproche pas davantage...
Au bout de deux heures, le commandant donne l'ordre de remonter à profondeur périscopique. Rien n'est aperçu, l'océan semble vide ! A 23h23, surface, l'U-172 repart sur son moteur Diesel tribord... Soudain, un destroyer est aperçu à 90° à seulement 2 000 m, avec une course parallèle au sous-marin. Est-il possible qu'ils n'aient pas été repérés ? Le sous-marin avance à environ huit noeuds, le destroyer va un peu plus vite et ne se rapproche pas davantage...
Mais soudain quand le capitaine américain de pense que l'U-172, qui semble ralentir va plonger, il fait ouvrir le feu avec son artillerie sur le sous-marin situé à environ 5 800 mètres. Poursuivi par les tirs qui sont de plus en plus précis
, le commandant Hoffmann décide de tirer une torpille acoustique T5 par le tube arrière V et de plonger aussitôt après. La torpille est lancée mais manque sa cible, son mécanisme délicat a probablement été déréglé par les explosions. LU-172 est descendu jusqu'à 200m; le destroyer largue deux séries de grenades anti-sous-marins. Peu de temps avant la dernière série de grenades, à l'hydrophone, un second destroyer a été entendu s'approchant...
Durant presque sept heures, ils essaient avec l'Asdic de localiser l'U-172, dont la trace a été perdue depuis
la dernière attaque. En vain... Le 13 décembre, à 7h59, ils reçoivent l'ordre de rejoindre le porte-avions USS Bogue.
Pendant ce temps,l'U-172 s'est éloigné sur ses moteurs électriques.. Mais, à 8H10, un avion américain aperçoit une trace d'huile mouvante à sept miles du lieu de la dernière attaque_ Les trois destroyers US sont envoyés sur place à une vitesse de 24 nœuds, Les deux premiers arrivent à 9H49 mais ne parviennent pas à localiser le sous-rnarin. Il est retrouvé par l'asdic du troisième à 11H02, qui largue sa première série de grenades six minutes plus tard. L'USS George E.Badger arrive à son tour ! Une nouvelle série de grenades est larguée à 11H35.
À bord de l'U-172, les batteries n'ont presque plus de jus et l'air restant suffira à peine à gonfler les ballasts pour remonter... L'éclairage de secours s'éteint par moments... La violence des chocs a activé les torpilles situées dans lestubes Il et IV... De plus, environ dix tonnes d'eau ont pénétré à bord, ce qui alourdit le submersible._ Les pompes sont complètement hors service. Il n'y a plus d'eau potable, des déchirures ont provoqué des mélanges avec dl'autres liquides... Et la température avoisine les 50 degrés ! Des fruits en boîte sont distribués pour calmer la soif...
L'U-172, de plus en plus lourd, se trouve déjà à environ 220 m. Va-t-il s'enfoncer seul vers les profondeurs ? II n'y a plus d'issue... Trois- séries de grenades explosent encore à proximité. Dans le même temps, le commandant réunit ses officiers et le timonier et leur explique la situation_ Veulent-ils encore essayer de s'échapper dans ces conditions ou bien faire surface ? Le choix est fait il donne l'ordre à l'ingénieur de remonter. Tous les hommes regardent anxieusernent l'aiguille du manomètre aller vers la gauche. Hoffmann fait distribuer à chacun une bouteille de bière qui était réservée pour le passage de l'équateur. Les gilets de sauvetage sont enfilés lors de la remontée, qu'est-ce qui les attend en surface ? Des responsables sont désignés pour saborder le bâtiment.
Quand l'U-172 fait surface, Il découvre un destroyer à seulement 200 m sur bâbord ! Le destroyer ouvre aussitôt le feu avec deux canons sur le sous-marin et avance pour l'aborder ! Sur un seul diesel encore en état de marche, l'U-172 essaie de virer sur tribord pour ne pas être éventré par le destroyer qui approche. À partir du kiosque, le feu est ouvert contre lui par le commandant avec une mitrailleuse et deux hommes avec des pistolets mitrailleurs. Le destroyer, qui compte un mort et huit blessés, réplique de toutes ses armes.
Dans le kiosque, les tirs cessent pour l'évacuation totale de l'équipage par les trois écoutilles alors que les charges de sabordage sont déclenchées. Autour du sous-marin se trouvent trois destroyers et trois avions en vol, tous tirent maintenant au canon et à la mitrailleuse sur le submersible en train de couler où les morts et les blessés s'accumulent. Les survivants s'éloignent de leur sous-marin qui coule à 12H21, plusieurs sont encore touchés par des tirs. Puis le feu s'arrête, les bateaux s'approchent et récupèrent les rescapés dont le commandant; treize hommes ont péri lors de l'attaque.
Transférés sur le porte-avions USS Bogue, les 46 rescapés dont dix sont blessés seront bien traités puis conduits dans des camps de prisonniers aux USA où ils resteront trois ans.