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La situation s'agrave
de minute en minute

L'affaire Stavisky
et les émeutes
du 6 février 1934

Les premières échauffourées éclatent sur la place de la Concorde dès que les gardes républicains veulent dégager les abords du pont: jets de pierres, morceaux d'asphalte, billes d'acier.
Les manifestants sont approvisionnés par des personnes restées sur les terrasses des Tuileries. Certains d'entre eux, mieux équipés, disposent de bâtons surmontés de lames de rasoir pour taillader les chevaux des gardes républicains.

Vers la caverne des voleurs

Le 6 février, les Chambres, qui ont interrompu leur session pendant l'interrègne ministériel, doivent se réunir dans l'après-midi pour entendre la déclaration du gouvernement dans lequel les deux ministres démissionnaires ont été hâtivement remplacés par Paul Marchandeau et Joseph Paul-Boncour.
Le matin, l'Action française paraît avec une énorme manchette : Les voleurs se barricadent dans leur caverne. Contre le régime abject, tous ce soir devant la Chambre! Au sein des différentes ligues, des consignes analogues sont données.
Qu'il ne s'agisse pas d'une véritable tentative de coup d'Etat, la preuve en est fournie par le fait qu'il n'est pas proposé d'autre objectif que le Palais-Bourbon. D'authentiques révolutionnaires eussent songé à attaquer le ministère de l'Intérieur, celui de la Guerre, la préfecture de police, les centraux télégraphiques et téléphoniques, les gares de chemin de fer. Il n'est pas question de cela.
Cette méconnaissance des techniques modernes du coup d'Etat est heureuse pour le régime, car celui-ci est assez mal défendu.
Le nouveau préfet de police, BonnefoySibour, ignore tout des fonctions auxquelles il a été soudainement appelé. Les agents de la police parisienne, furieux du renvoi de Chiappe, chef qui avait beaucoup fait pour eux, vont, dans l'ensemble, se montrer assez mous; il a été, d'autre part, convenu que la troupe ne serait réquisitionnée qu'en dernier ressort. Pour faire face aux manifestants, on ne peut réellement compter que sur la garde républicaine, la garde mobile et la gendarmerie. Aucune disposition n'a été prise pour protéger les points névralgiques de la capitale autres que le Palais-Bourbon.

Daladier prend la parole

gardes mobiles le 6 février 1934
Vers midi, des gardes mobiles prennent position dans Paris. Des automitrailleuses quittent l'Ecole militaire où elles étaient arrivées dans la nuit. Aux portes de Saint-Cloud, Versailles et Champerret, des chars s'embossent dans les vestiges des fortifications. « A la porte de Clignancourt, notera le Figaro, l'infanterie coloniale reçoit des cartouches réelles. » Des cantonniers retirent les dernières grilles des arbres, les outils abandonnés sur les chantiers, les dernières corbeilles à papier. Les premiers députés qui se présentent à la Chambre sont accueillis par des cris : « A la lanterne. » « Tous pourris. »
Porteur d'un maroquin défraîchi, Daladier arrive au Palais-Bourbon. Ministre de l'Intérieur, Frot, à son entrée dans l'hémicycle, est applaudi par les uns, conspué par les autres. La parole est donnée au président du Conseil pour une communication du gouvernement. Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche, huées et sifflets à droite et au centre.
Hachée de clameurs, la déclaration ministérielle est inaudible. « Les scandales passent, entend-on. Les problèmes demeurent. » Pâle, Daladier a du mal à lire son texte. Il demande le renvoi des interpellations à la suite. André Tardieu bondit à la tribune. Le centre et la droite lui font une ovation. Tumulte. Communistes, socialistes, radicaux, debout, l'injurient. « Ce n'étaient que poings tendus, visages crispés de haine. » « En prison, Chiappe. » Sur l'air des lampions, les communistes scandent : « Les Soviets, les Soviets. » Ils entonnent l'Internationale. Les modérés répondent par la Marseillaise.
Des huissiers empêchent M. Ybarnegaray ( Croix-de-feu ) de s'approcher du banc du gouvernement. « Aventurier, provocateur », crie Thorez à Tardieu. Tardieu répond :
Je vous ai mis en prison. Je recommencerai quand je le pourrai.
Les huissiers s'interposent pour empêcher les députés d'en venir aux mains. séance est suspendue.

La confusion est extrême

manifestation du 6 février 1934
A 18 h 20, la confusion est extrême et l'on fait appel à des renforts stationnés devant la Chambre : les manifestants ont réussi en effet à édifier, du quai des Tuileries à la place de la Concorde, un barrage de sacs de sel et de matériaux divers. Une charge à cheval disloque la barricade tandis qu'ailleurs les chevaux sont lancés contre les premiers rangs des manifestants qui, de plus en plus nombreux, se pressent aux abords du pont de la Concorde.
Peu à peu, l'obélisque et les chevaux de Marly ne sont plus que des îles perdues au milieu d'un océan sombre et fiévreux où l'on discute avec animation. Quelques cris hostiles retentissent çà et là au passage des détachements de police. Mais voilà un morceau plus consistant qui va permettre de se faire les biceps : un autobus de la ligne AC, arrêté à l'entrée des Champs-Élysées, devient le jouet d'une poignée de jeunes gens qui essaient d'abord vainement de le renverser. Ses vitres volent en éclats sous les coups de canne. Une torche improvisée met le feu au moteur. Sous les huées, un détachement de gardes mobiles approche. Un lieutenant réussit à éteindre l'incendie qui sera d'ailleurs rallumé quelques minutes plus tard. Autour de la carcasse fumante, les gardes à cheval patrouillent. La foule devient menaçante :
Hou, hou, vous voulez le contact, vous allez l'avoir !
Le choc brutal se produit effectivement peu après. Les pavés, les débris de verre et les grilles volent sur les détachements et une barricade se forme en quelques instants. Une mêlée s'engage. Plusieurs gardes sont relevés ensanglantés, quelques-uns même sans connaissance. Dès lors, les événements vont prendre une tournure dramatique. Des milliers de manifestants sont massés sur les terrasses des Tuileries. Quatre camions de gardes qui débouchent sur la place en venant du quai sont reçus par des clameurs et par une furieuse grêle de projectiles.
En moins d'une demi-heure, la multitude a doublé. De minute en minute, les agents ou les gardes, dégageant tel ou tel point, provoquent des fuites éperdues immédiatement suivies de puissants mouvements de retour. L'impulsion de la foule est, par moments, si intense que des détachements de policiers pris au dépourvu ont à peine le temps de regagner au pas de course les points de sûreté stratégique.

Les premières échauffourées éclatent

premiers affrontements le 6 févriers 1934
Pendant ce temps, une foule nombreuse emplit la placé de la Concorde, les Tuileries, les Champs-Elysées et les voies de la rive gauche proches du Palais-Bourbon. Foule pour une bonne part composée de badauds, mais d'où vont se dégager des colonnes d'assaut bien organisées.
Vers 18 heures, une de ces colonnes, composée surtout de camelots du roi, tente de forcer le barrage fermant, sur la rive droite, le pont de la Concorde. Pour la repousser, les gardes à cheval opèrent plusieurs charges. En vain. Des fragments d'asphalte, des tuyaux de fonte, des morceaux de grilles d'égout sont jetés sur les cavaliers; les jarrets de plusieurs chevaux sont coupés par des lames de rasoir fichées au bout de gourdins. Les gardes doivent reculer cependant que les manifestants mettent le feu à un autobus dont on a négligé de détourner le parcours. Autour du brasier les clameurs se font assourdissantes.
Dans la salle des séances de l'Assemblée l'angoisse règne. On perçoit les cris de la foule, des détonations; on va sans cesse aux nouvelles, les orateurs sont à peine écoutés, les interruptions se croisent. Blêmes, ne sachant trop que faire, les ministres restent affalés sur leur banc.
Le plus énergique, Eugène Frot, se décide pourtant à sortir et, par un chemin détourné, parvient à gagner le ministère de l'Intérieur, où il est mieux placé pour donner des ordres.
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