La guérilla contre l'armée française
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Affronter l'armée française en rase campagne eût été un suicide. Il nous fallait donc avoir recours à la guérilla, apprendre ses techniques et nous plier à sa discipline particulière. Par bonheur, nous eûmes avec nous, dès le début, d'anciens partisans qui avaient combattu dans les maquis français contre les Allemands. Ils furent nos premiers instructeurs. Puis des sous-officiers ayant servi dans l'armée française en Indochine nous apportèrent leur expérience des méthodes de combat des guérilleros vietnamiens et de celles de leurs adversaires. Ils se révélèrent très précieux. Enfin, certains de nos camarades avaient étudié la résistance yougoslave au cours de la guerre. A partir de cette triple expérience française, viet­namienne et yougoslave, nous devions déterminer une forme de lutte révolutionnaire adaptée à nos conditions algériennes.
L'embuscade était naturellement la tactique de combat la plus favorable. Elle devait être tendue généralement aux abords d'un terrain découvert afin de surveiller l'arrivée des renforts et, si possible, de leur couper la route. Mais surtout l'effet de surprise et la brièveté de l'action étaient les conditions impératives du succès. L'engagement type se limitait à une demi-heure, permettait la récupération d'armes, évitait le contact avec une force supérieure et manoeuvrante. La dispersion s'effectuait immédiatement, par petits groupes, parfois de deux ou trois, pour rejoindre un point de ralliement fixé au préalable et se trouvant au moins à cinq heures de marche du lieu de l'embuscade.
fln dans le maquis
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Une instruction prescrivait d'emporter les tués et les blessés afin de justifier la légende née dans la population qui faisait de nous des « immortels ». Ainsi, lorsque nous traversions un douar duquel un de nos morts était originaire, nous répondions aux demandes de ses nouvelles que celui-ci venait d'être muté dans un autre secteur ou envoyé en Tunisie. Toutefois, à partir de 1958, quand les opérations de ratissage se firent plus dures et plus nombreuses, il fallut se résigner souvent à abandonner les morts sur le terrain.
Les conditions variaient beaucoup en fonction du relief. Dans les régions montagneuses et boisées où la vraie guerre ne commença que fin 1957, il était assez facile d'esquiver les accrochages. Ailleurs, dans les régions de plaine, l'armée française était mieux en mesure de nous imposer le combat. Nos pertes pouvaient alors être sévères.
Dans les premiers engagements, nous avions improvisé les secours aux blessés. Il se trouvait toujours un homme capable de faire un pansement sommaire. Après quoi intervenait l'évacuation dans un douar proche d'une ville ou dans la ville elle-même. Malgré les risques encourus, presque tous les médecins d'origine algérienne étaient prêts à donner leurs soins aux moudjahidin. Parfois, même, ce furent des médecins français libéraux qui se rendirent au chevet de nos blessés.
Mais il était indispensable de mettre sur pied un véritable service de santé de l'A. L.N. Dans notre wilaya, il s'organisa tant bien que mal avec les aides-soignants des hôpitaux ayant rallié les maquis et un ancien étudiant en médecine. C'est à ce dernier que fut confiée la responsabilité de former les infirmiers qui devaient être affectés à toutes les firkas. Les plus compétents de ces élèves ne cesseront de se perfectionner et parviendront assez vite à extraire des balles ou des éclats, à réduire des fractures, dans des cas relativement simples. Enfin, des jeunes filles des villes rejoindront nos rangs et deviendront également des infirmières admirablement dévouées.
Puis notre wilaya 2 eut la chance de recevoir un médecin, spécialisé en cardiologie, envoyé de Tunisie par l'état-major de l'A.L.N. Dans des conditions de travail extrêmement difficiles, il assuma la direction de nos services médicaux et ses interventions chirurgicales sauvèrent des centaines de blessés. Chacune des quatre zones de la wilaya était sous la responsabilité médicale d'un sous-lieutenant, chacune des trois régions de la zone, sous celle d'un adjudant et enfin, les trois secteurs formant la région avaient chacun leur centre de santé dirigé par un sergent infirmier.
Les infirmeries-hôpitaux étaient toujours installées en dehors des douars et à un emplacement tenu secret. En région boisée, il s'agissait d'abris rustiques en branchages; en terrain découvert, de petites constructions en pierre sèche avec, à proximité, des caches souterraines. Mais si ces installations étaient sommaires, nos blessés ne manquaient ni de ravitaillement, ni de médicaments, ni de soins dévoués.
L'évacuation se faisait le plus souvent à dos d'homme, l'intervention chirurgicale, à la lueur de quinquets et pas toujours sous anesthésie. Avec une simple piqûre de morphine, j'ai vu un blessé chanter à tue-tête pendant l'extraction d'une balle ! Nos infirmiers-chirurgiens obtenaient des résultats inespérés. Un blessé du ventre, que tout le monde jugeait perdu, se rétablit miraculeusement; un homme, amputé d'une jambe par une jeune infirmière, fut sur pied quelques semaines plus tard, etc. Dans les cas les plus graves, un messager était envoyé à notre unique médecin, qui venait alors à marches forcées. Ou encore le blessé était acheminé vers la ville et placé sous la sauvegarde de notre organisation ur­baine, qui se chargeait de sa guérison, de sa convalescence et de son retour dans le maquis. Nos liaisons avec les villes étaient en outre utilisées pour l'approvisionnement en produits pharmaceutiques, dont nous n'avons jamais manqué, alors qu'en certaines périodes nous pûmes souffrir de la faim. Chaque infirmerie de secteur avait sa propre filière, ses propres acheteurs ou pourvoyeurs parmi le personnel des hôpitaux urbains. Même les spécialités pouvaient être aisément obtenues et lors du cessez-le-feu nous disposions de stocks relativement importants.
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Le FLN au maquis