La création de l'OAS
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Depuis qu'il a franchi la frontière espagnole, depuis qu'il devient évident que la guerre d'Algérie doit finir en guerre civile, Salan est devenu un autre homme. Les cheveux sont toujours bleutés, le visage impassible, l'élégance du vêtement civil a succédé à l'ordonnance méticuleuse de la tenue militaire, mais le cerveau a changé. Le général politique chargé d'honneurs veut devenir un grand politique tout court. Après tout, il y a bien un général à l'Elysée. Pourquoi son successeur ne le serait-il pas ? Et Susini qui voit tout, devine tout, qui cache derrière son manteau de glace une intuition quasi féminine, sent que cette fois  il va pouvoir faire de grandes choses. Il avait la tête, il lui manquait les épaules. Les voilà !
Pour l'heure, malgré le prestige et la renommée, Salan est un homme seul. Susini (à gauche) aussi. Ni troupes ni organisation à Alger. Lagaillarde les a. Et il s'en vante. Il faut faire cause commune avec lui.
Et Lagaillarde a une idée géniale. Fort de l'appui de ses groupes armés et des bonnes relations qu'il entre­tient avec les hommes du F.A.F. clandestin, il décide,en accord avec Salan, l'unification des mouvements de diverses tendances. lorsque Lagaillarde parle d'unification, il sous-entend qu'il en sera le patron ! Cela ne trompe personne. On discute, on ergote, mais la proximité du danger gaul­liste et arabe balaye bien des préventions. Il ne faut pas se fâcher. Lagaillarde est précieux. Il fournit les troupes... et un nom aux commandos « patriotiques » enfin réunis : Organisation armée secrète. O.A.S.

Entre Alger et Madrid, c'est la noria des activistes. Lagaillarde (à gauche) reçoit beaucoup. Beaucoup plus que Salan qui est désormais flanqué de Jean-Jacques Susini. Etrange couple que celui formé par ce général qui porte beau une soixantaine florissante et le jeune technicien du fascisme, au teint blême et à l'oeil glacé. A l'hôtel Princesa, où ils ont élu domicile, ils doivent tout de même compter avec le brillant ex-député d'Alger. Ils n'ont pas la même vie et se détestent cordialement. Depuis bien longtemps Susini, qui a jadis succédé à Lagaillarde à la tête des étudiants d'Alger, multiplie les peaux de banane sous les pas du « barbu » dont le prestige gueulard et bon enfant l'agace prodigieusement. Lors des Barricades, Lagaillarde a symbolisé la résistance pied-noir. Susini n'a été que l'inspirateur d'Ortiz, qui a filé lorsque la menace se précisait. Au procès des Barricades Lagaillarde a paru sympathique, il a su remuer les tripes de ses auditeurs, toucher les points sensibles, parler de la population désespérée, des promesses faites depuis le 13 Mai. Susini froid théo­ricien, mû par une passion contenue, n'a réussi qu'à faire peur en exposant des théories national-socialistes. Même les gueules les séparent.
On a envie d'être copain avec Lagaillarde, bon vivant, rigolard, qui sait faire la part des choses. Pas avec Susini. Son visage blafard, son austérité, l'apparence raide et froide qu'il affiche volontiers glacent l'interlocuteur. Lagaillarde est un meneur d'hommes. Il se suffit à lui-même. Susini a besoin de vivre à l'ombre d'un nom. Après Ortiz, un mauvais cheval, le jeune fanatique choisit Salan. Et inexplicablement le Chinois « marche ». A l'étonnement de ses proches. Mais où est-il, le prudent Mandarin si soucieux du décorum, de la solidité de ses arrières, si jaloux de son pouvoir personnel ?
lagaillarde et susini
lagaillarde et susini
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