Des armes pour le peuple
rideau

Les pressions se multiplient pour préparer sans retard une opération aéroportée sur Paris. Ces jeunes paras sont sûrs de ne faire qu'une bouchée des forces républicaines. Selon eux le peuple a besoin d'être violé . Ils sont persuadés d'avoir fait de Gaulle au 13 Mai et d'être aussi capables de le défaire. Il leur suffira d'apparaître. Jouhaud et les colonels sont de cet avis. Le général a recensé ses moyens. Il dispose de 45 Nord-2500 et de l'aviation civile. Comme en 1958 ! Mais bientôt arrivent de mauvaises nouvelles. S'il sera facile de réquisitionner par la force l'aviation civile, il n'en sera pas de même de l'aviation militaire. Nicot, le patron de l'armée de l'air à Paris, avertit ses amis d'Alger que la chasse est en alerte et que 20 % des pilotes au moins obéiraient à l'ordre d'ouvrir le feu.
Et puis surtout Challe est contre. Résolument contre. Partir pour Paris avec trois ou quatre régiments de paras fidèles, me dira-t-il plus tard, en laissant une Algérie qui, il s'en fallait, n'était pas passée de mon côté, jouer avec des effectifs infimes face à l'énorme masse de l'organisation française, c'était ridicule. Si l'armée entière avait été derrière moi je n'aurais pas hésité, mais là...
On y va d'autant moins que l'on signale le départ d'avions de la base aéronavale ! Chez les officiers, c'est la stupeur et le début d'une réticence à l'égard de Challe qui ira croissant au fil des heures. Avec un général aviateur dirigeant l'affaire, ils croyaient qu'au moins il avait derrière lui toute l'aviation. Qu'il avait déjà tout pesé, tout réfléchi...

guerre d'algerie

A Paris pourtant on croit aux bruits de débarquement qui proviennent d'Alger. Et puis nombreux sont les membres du gouvernement qui se souviennent du plan « Résurrection » prévu au 13 mai 1958 ! Moins de deux heures après le discours du Général la capitale prend sa sale gueule des jours de révolution. Toutes les unités de maintien de l'ordre disponibles sont concentrées avec leurs chars et leurs armes lourdes autour de l'Elysée, du Palais-Bourbon, des ministères, du Grand Palais. Pourtant, on a peur de l'armée. On a coffré Vanuxem qui, d'après Jouhaud, « devait rendre disponible un aéroport parisien pour permettre l'arrivée sur Paris d'une vague de trois régiments de paras allégés ». On évite de faire appel aux régiments métropolitains basés autour de la capitale et on consigne les militaires dans leurs casernements. Debré a choisi : il préfère défendre les centres vitaux de l'Etat en laissant libres les aéroports et les voies d'accès à la capitale.
Pour la défense de ces points stratégiques il a un plan !
A 23 h 45, les couche-tard encore devant leur poste de télévision ou à l'écoute de la radio entendent et voient le premier ministre pâle, hâve, mal rasé, visiblement en proie à une vive inquiétude, faire appel à la population.
Des avions sont prêts à lancer ou à déposer des parachutistes sur divers aérodromes afin de préparer une prise du pouvoir, dit-il d'une voie angoissée.
Le débit est haché, propre à remuer une population jusque-là passive et qui a passé un week-end serein. Cette fois, c'est sérieux. Pour que le premier ministre parle sur un ton aussi dramatique c'est que la situation en métropole risque d'évoluer vers le coup d'Etat.
Le gouvernement, poursuit Michel Debré, est certain [...] que la population aidera de toutes ses forces à la défense de la nation. »
Est-ce la guerre civile ? C'est au moins la mise en alerte, l'appel pressant : Dès que les sirènes retentiront, allez-y à pied ou en voiture, convaincre ces soldats trompés de leur lourde erreur. Il faut que le bon sens vienne de l'âme popu­laire et que chacun se sente une part de la nation. » Le résultat est immédiat. Les standards téléphoniques sont bloqués. Les appelés des casernes métropolitaines se rendent compte de la situation. Même si certains de leurs chefs voulaient les entraîner à marcher sur la capitale ou à aider un éventuel débarquement parachutiste il serait trop tard.

Place Beauvau, des centaines de volontaires se présentent. Ils veulent des armes pour sauver la Répu­blique ! On leur donne des treillis et des godasses, ce qui les rajeunit de quelques années. Et puis aussi de belles paroles. De Roger Frey, de Sanguinetti et aussi, et surtout, d'André Malraux. Le ministre des Affaires culturelles harangue les volontaires sur le mode épique. Il évoque la République, la guerre d'Espagne, sa jeunesse. Paris vit une nuit folle. Mais les volontaires n'auront pas d'armes. En revanche, beaucoup de réseaux de Résis­tance se sont reconstitués. F.F.L. ou F.T.P. Dans les imprimeries des journaux beaucoup de typos ont la vieille mitraillette de 1943 dans leurs casiers. Dans la capitale, des gaullistes de choc s'organisent. Les premiers comités de défense de la République voient le jour et veillent sur la radio officielle mais aussi sur Radio-Luxembourg, rue Bayard, et sur Europe 1. Parmi eux de nombreux journalistes, des membres de professions libérales, des gens qui n'auraient jamais pensé quelques jours plus tôt sortir avec un revolver sous l'aisselle ou dans la ceinture !
« Des armes pour le peuple », réclament les syndi­cats qui avec les grands partis ont pris position dès le samedi matin contre les « généraux factieux ».
L'Echo d'Alger pourra titrer le lundi matin : « En métropole le parti communiste revendique la direction des masses populaires ». Personne ne s'y trompera. A commencer par le « quarteron » d'Alger. A l'aube du lundi 24 avril ils savent que la métropole est et sera toujours contre leur mouvement. Cette panique parisienne sera la dernière victoire de Challe qui saura dans quelques heures que tout est fichu. Et la métropole n'y sera pour rien.

fin du putsch des generaux en algerie
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La fin du putsch